A l'Opéra de Lausanne, Laurent Pelly met en scène un enchanteur "Songe d'une nuit d'été"
Une nuit d'été dans une forêt enchantée, des fées malicieuses, des amours bouleversées et une troupe d'artisans en quête de gloire théâtrale: c'est "Le songe d'une nuit d'été", un opéra de Benjamin Britten inspiré du chef-d'œuvre intemporel de William Shakespeare. L'oeuvre est à l'affiche de l'Opéra de Lausanne jusqu'au 31 décembre 2024, dans une mise en scène signée du Français Laurent Pelly.
"Le songe d'une nuit d'été" constitue l'un des opéras les plus fascinants de Britten. Avec son écriture musicale légère et subtile, Britten parvient à capturer l'esprit même de l'oeuvre de Shakespeare. Chaque groupe de personnages détient sa propre identité musicale. Les fées et les elfes sont éthérés, presque irréels. Les amants humains sont passionnés et impulsifs, les artisans burlesques vraiment comiques. La partition, riche et délicate, offre un véritable défi pour les interprètes.
Théâtre et musique unis pour le meilleur
Pour le chef d'orchestre Guillaume Tourniaire, qui dirige la production lausannoise, l'oeuvre de Britten constitue le génie absolu du théâtre et de la musique. "C'est une combinaison absolument remarquable (...) Avec Shakespeare dans le texte, c'est complètement unique dans l'histoire de la musique. Il y a très peu de moments de théâtre de ce niveau-là en langue originale, avec de la musique aussi extraordinaire", indique-t-il à l'Echo des pavanes du 21 décembre.
Lorsqu'il a abordé la pièce pour la première fois, le chef a d'abord tenté "de retrouver [s]on chemin dans cette forêt, dans cette nuit et dans ce dédale de folie. La musique est extrêmement complexe et elle suit cette folie en l'illustrant de façon géniale."
Une atmosphère magique et labyrinthique
Dans la forêt du "Songe 'une nuit d'été", rien ne va comme prévu. Mais au-delà de l'histoire, c'est l'atmosphère magique et labyrinthique de la forêt qui fascine, restituée à merveille par la mise en scène de Laurent Pelly. Par un jeu de petites lumières suspendues, de miroirs en fond de scène, de lunes mouvantes aux couleurs changeantes, l'homme de théâtre subjugue en offrant un spectacle d'une beauté absolue.
"Le défi avec cette oeuvre est de pouvoir mélanger tous les univers. Dans "Le songe d'une nuit d'été", il y en a trois: celui des jeunes amoureux, l'univers magique [des roi et reine des elfes] Tytania et Oberon, et enfin l'univers des artisans, qui répètent un spectacle. (...) Ce qui réunit tout cela, c'est la nuit, le mystère de la nuit d'été. Et dans le spectacle, c'est la magie de l'image qui va réunir l'ensemble. J'adore perdre le spectateur dans une image. On ne sait pas très bien où est la réalité, où est le fond du plateau, où s'arrêtent les personnages", explique Laurent Pelly dans l'Echo des pavanes.
Ce sont l'énergie, la folie des personnages, la tension dramatique qui, poussées à l'extrême dans cette pièce, peuvent donner quelque chose de très drôle et de très dynamique.
Pour le metteur en scène, "Le songe d'une nuit d'été" détient une forme particulière, d'une grande modernité. "On est dans une pièce folle, véritablement, avec beaucoup d'audace dramaturgique, mais aussi beaucoup d'idées poétiques, et qui aurait pu être écrite hier. (...) Le sentiment amoureux et la magie des personnages sont universels et passent la barrière du temps sans aucun problème. Cette œuvre, c'est un terrain de jeu merveilleux pour un metteur en scène", conclut Laurent Pelly.
Propos recueillis par Sydney Fierro
Adaptation web: Melissa Härtel
"Le songe d'une nuit d'été" de Benjamin Britten, mise en scène de Laurent Pelly, avec Christopher Lowrey, Marie-Eve Munger, Michael Porter, Heather Lowe, James Newby, Aoife Miskelly, Faith Prendergast, David Ireland, la Maîtrise Opéra du Conservatoire de Lausanne, l'Orchestre de chambre de Lausanne dirigé par Guillaume Tourniaire, Opéra de Lausanne, à voir encore le 27, 29 et 31 décembre 2024.
Une parenthèse enchantée à l'Opéra de Lausanne
Transcendé par la mise en scène inspirée de Laurent Pelly, "Le songe d'une nuit d'été" de Britten constitue un spectacle fascinant, d'une beauté inouïe, mâtiné de trouvailles scéniques et techniques. L'atmosphère irréelle et fantasmagorique de cet opéra qui se déroule en grande partie dans l'ombre et l'obscurité met en valeur toutes les finesses de la partition de Britten. Elle est servie à merveille par un excellent plateau vocal presque exclusivement anglophone, qui permet d'apprécier toutes les nuances du texte et de la musique.
Les célestes airs du choeur d'enfants font écho à la maladresse des artisans-comédiens qui présentent, dans le dernier acte, une pièce de théâtre amateur devant les couples formées de Lysander et Hermia, Demetrius et Helena, Theseus et Hippolyta, qui commentent en raillant leur performance. Cette scène a déclenché dimanche lors de la première du spectacle des véritables cascades de rires, tant les comédiens sont hilarants de maladresse, touchants dans leurs efforts à monter cette saynète à l'intrigue quelque peu risible.
"Le songe est une sorte de labyrinthe joyeux qui reste un mystère", écrit Laurent Pelly dans sa note d'intention. Un mystère dans lequel burlesque et sérieux, rêve et réalité s'entremêlent pour former, ici, un spectacle d'une finesse infinie.
mh