L’album "Prelude to Ecstasy" s’ouvre avec beaucoup d’audace sur un morceau orchestral volontairement grandiloquent. Le caractère ambivalent - harmonieux et intrépide ou grave et voluptueux - est donné d’emblée. Comme les cinq artistes qui l’interprètent, la musique est habillée de corsets, de robes gothiques, néoromantiques ou rococo.
Quintet féminin, The Last Dinner Party provient d'écoles différentes, jazz, rock ou classique. Leurs chansons présentent un côté théâtral expérimental très "british" avec des ruptures rythmiques et une présence marquée de voix de chœurs façon "Bohemian Rhapsody". On retrouve l’influence de Queen jusque dans les solos de la guitariste Emily Roberts, qui a joué longtemps dans un groupe de reprises de leurs morceaux. L’aura de David Bowie, qui représente une figure iconique pour les cinq femmes, colore également leur univers artistique, aussi bien que Siouxsie and the Banshees, PJ Harvey et ABBA.
Un chagrin esthétisé
Malgré son titre "Prelude to Ecstasy" ("Prélude à l’extase" en français), il n’est toutefois pas uniquement question d’euphorie dans ce premier opus. Le fil conducteur de l’album serpente par le biais d'oxymores entre extase et douleur. La chanteuse du groupe, Abigail Morris, le précise dans une interview au magazine Rolling Stone: "Le sens de ce mot va au-delà de l’euphorie qui émane de ses premières interprétations. Il y a aussi une forme d’extase dans la douleur extrême, qui peut être ressentie par un martyr au sens religieux."
Le champ lexical ne ment pas, la religion est une thématique centrale du premier album du groupe. La chanteuse Abigail Morris confie aussi à Rolling Stone entretenir pour l’Eglise des sentiments partagés, entre rejet et fascination, après la scolarisation catholique qu’elle a reçue.
La connivence entre souffrance et splendeur constitue un réel moteur de l’expressivité du groupe, qui revendique chercher à célébrer la vie dans toute sa complexité en montrant la part de joie ou de douceur que comprend certaines thématiques a priori douloureuses comme le deuil, la culpabilité ou la jalousie. Les références religieuses constellent les titres précisément dans cette recherche de conciliation entre clarté et obscurité.
Un buzz qui ne laisse pas indifférent
Formé en 2020 en pleine pandémie, The Last Dinner Party fait ses armes sur scène, avant de sortir "Nothing Matters" en avril 2023, un premier titre qui fait des ravages. Les musiciennes procèdent "comme cela se faisait avant internet" en débutant par des petites scènes, indique Abigail Morris dans l’émission The Jam de Couleur 3 du 26 janvier.
Malgré la demande insistante de ses fans, le groupe n'a pas souhaité publier de EP avant la sortie de cet album début 2024. Aujourd'hui, le succès de The Last Dinner Party est jugé trop rapide par certains qui n'y voient qu'un pur produit marketing. L'avenir le dira.
Sujet radio: Yves Zahno
Adaptation web: Sarah Neu/oh
The Last Dinner Party, "Prelude to Ecstasy" (Universal Music). Paru le 2 février 2024.
En concert au Mascotte, Zurich, le 23 février 2024.