Des allures de festival en plein air avec davantage de brouhaha ambiant. C'est la forme qu'a pris vendredi soir le Montreux Jazz Festival pour sa 58e édition reconfigurée en raison des travaux de rénovation du Centre des congrès qui abritait ses deux scènes amirales, l'Auditorium Stravinski et le Lab.
Il en fallait pourtant plus pour décontenancer Trombone Shorty et Jon Batiste, deux artistes de La Nouvelle-Orléans ayant déjà participé à la version précédente indoor du Festival. Etrennant avec force cuivres, entrain, groove et tempérament la magnifique nouvelle scène, sur et ouverte sur le lac installée en contrebas de la Place du marché, la paire américaine a littéralement galvanisé le public de Montreux qui découvrait aussi la beauté de ces lieux invitant tant à l'écoute qu'à la contemplation.
En compagnie de ces deux prodiges et showmen louisianais qui se connaissent et se côtoient depuis l'adolescence, et ont collaboré notamment en 2021 sur l'album multiprimé de Jon Batiste "We Are", le Montreux Jazz ne pouvait pas mieux être mis sur orbite. Le Léman avait son balcon à La Nouvelle-Orléans entre notes cuivrées, choeurs soul, funk, soul, jazz, blues et pop.
"When the Saints Go Marching In"
Aux déhanchés répétés d'un Shorty de blanc vêtu de pieds en cap jusqu'au bandeau assorti et brandissant son trombone tel un trophée, Jon Batiste a lui répondu par sa maestria instrumentale en passant de la guitare au piano ou au mélodica dans un costume de gala doré pailleté. Un mélodica qu'il promènera lui aussi dans la foule, comme Trombone Shorty son cuivre plus tôt, mais en poursuivant en fin de concert sa virée en forme de marching band sur les quais montreusiens comme lors de son concert de 2023 dans les travées du Centre des congrès.
L'autre grand point de convergence de la soirée aura été les relectures respectives proposées par Shorty et Batiste du standard "When the Saints Go Marching In", negro spiritual qui continue de faire les joies du jazz et que Prince avait sublimé déjà à Montreux avant eux. Un Prince dont l'ombre et les références groove avaient d'ailleurs d'emblée planés en début de soirée quand Trombone Shorty et ses six musiciens et sa choriste du Orleans Avenue ont repris "Let's Go Crazy" avec saxophones et solo de guitare crissante finale.
Cocktail musical explosif et flamboyant
Les répertoires proposés par les deux musiciens américains nés en 1986 durant leur concert auront en tous les cas permis de mesurer à quel point Trombone Shorty et Jon Batiste sont passés maîtres dans les télescopages et réagencement stylistiques. Tous deux capables d'une modernité pop inouïe - en particulier chez Batiste - avec les canons des traditions. A ce cocktail explosif et flamboyant, mais aussi parfois mélancolique ou romantique, ne manquait plus qu'un duo entre les deux artistes.
Bien qu'espéré tant par le public que par le Montreux Jazz, la collaboration ne se sera pas concrétisée. Reste que ce premier plateau artistique du Festival sur l'inédite Scène du lac risque déjà de rester comme le plus cohérent de cette 58e édition.
>> A consulter, notre dossier sur la 58 édition du Montreux Jazz : Le suivi de la 58e édition relookée du Montreux Jazz Festival
Olivier Horner
58e Montreux Jazz Festival, jusqu'au 20 juillet 2024.