Six musiques de film emblématiques signées John Williams
Grand Format
Partager
Invision/AP/AFP - Chris Pizzello
Introduction
"Les dents de la mer", "E.T.", "Indiana Jones", "Star Wars", "La liste de Schindler" ou "Harry Potter", la liste des films à succès dont la musique a été composée par John Williams est immense. A l'occasion de la sortie du documentaire "Music by John Williams" sur Disney+ le 1er novembre, retour sur six bandes originales qui ont marqué l'histoire du 7e art.
Chapitre 1
John Williams, une légende vivante
Getty Images via AFP - JESSE GRANT
Cinquante-quatre nominations aux Oscars — un score battu uniquement par Walt Disney —, plus d'une centaine de longs métrages, dont presque tous ceux de Steven Spielberg, une œuvre jouée par les orchestres du monde entier et reconnaissable dès les premières notes..., la discographie du compositeur de musique de films et chef d'orchestre américain John Williams, 92 ans, a de quoi donner le tournis.
Réalisé par Laurent Bouzereau, le documentaire "Music by John Williams", mis en ligne sur Disney+ le 1er novembre permet de découvrir l'homme qui se cache derrière tous ces succès. "C'est quelque chose que j'essayais de faire depuis longtemps, mais il m'avait toujours dit non", relate le réalisateur à l'AFP, louant "quelqu'un de très modeste", qui "inspire la droiture", "n'aime pas tellement qu'on l'encense", ni "regarder derrière lui". C'est à l'aide de Steven Spielberg, qui produit le documentaire, qu'il a réussi à sortir John Williams de sa réserve.
A l'occasion de la sortie de ce documentaire, décryptage de six musiques de film composées par l'Américain qui montrent à la fois toute l'étendue de son talent, mais également l'impact que ses musiques ont eu sur les succès des films.
Chapitre 2
La menace invisible dans "Les dents de la mer "
Collection ChristopheL via AFP - ZANUCK/BROWN PRODUCTIONS
Deux notes jouées dans le grave, par des contrebasses, puis par les violoncelles et les contrebassons, auront suffi à terroriser le monde entier. Comme venues des profondeurs de l'océan, ces deux notes jouées de plus en plus vite et de plus en plus fort annoncent la présence d'un requin qui s'approche des baigneurs dans "Les dents de la mer", sorti en 1975.
Premier blockbuster de Steven Spielberg, alors âgé de 26 ans, le film doit une grande partie de son succès à ces deux petites notes. Spielberg, qui veut faire un film sur l'angoisse et la terreur suscitée par des attaques d'un requin blanc sur des baigneurs, réalise au moment du tournage que les requins mécaniques prévus ne fonctionnent pas bien dans l'eau et ne sont pas très crédibles. Il décide alors de retarder au maximum l'apparition de son monstre marin dans le déroulé du film et choisit à la place de suggérer la présence du prédateur plutôt que de le montrer.
Une idée géniale qui crée un suspense insoutenable, mais qui ne serait rien sans ce thème musical inquiétant et minimaliste composé par John Williams. Jouée à chaque fois que le requin se rapproche, cette petite musique incarne une menace encore invisible pour les protagonistes du film, mais bien présente pour les spectateurs et spectatrices.
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
Et pourtant, lorsque John Williams présente pour la première fois ce motif très simple à Spielberg, celui-ci croit d'abord à une plaisanterie. Heureusement, le compositeur arrive à le convaincre que cette simplicité symbolise à merveille la menace constante et inévitable du requin. Le succès du film lui donnera raison et le thème musical entre dans les annales comme l’un des exemples les plus célèbres de musique associée à une menace invisible.
"Les dents de la mer" permet à John Williams d'obtenir son deuxième Oscar après celui reçu pour la musique de "Un violon sur le toit", film musical de Norman Jewison sorti en 1971. Le succès du film de Spielberg a contribué à asseoir la réputation de John Williams en tant que compositeur incontournable pour le 7e art. Il a prouvé l’immense pouvoir de la musique dans le cinéma pour suggérer, intensifier et même incarner des émotions.
Après "Sugar Express" en 1974, "Les dents de la mer" est sa deuxième collaboration avec Steven Spielberg. Désormais, les deux hommes vont former l'un des duos les plus célèbres et prolifiques de l'histoire du cinéma.
Chapitre 3
Le principe du leitmotiv dans "Star Wars"
AFP - Lucas Film/Walt Disney
La musique de "Star Wars" ("La guerre des étoiles") a largement contribué au retour des orchestres symphoniques dans les bandes originales de films à un moment où la musique rock ou électronique pour la science-fiction avait pris le pas sur la musique dite "classique".
Emblématique de son œuvre encore largement à venir, la musique composée par John Williams pour "Star Wars: Un nouvel espoir" (1977) est grandiloquente et héroïque. Elle utilise abondamment les cuivres et les percussions pour les scènes de combats et d'action, ainsi que les cordes au moment de souligner les sentiments.
John Williams composera la musique des trois premiers épisodes de la saga tournée par George Lucas avec une idée générale qui n'est pas sans rappeler ce qu'a fait Richard Wagner un siècle avant lui pour sa "Tétralogie". Il s'agit du principe du leitmotiv, qui consiste à associer à chaque personnage principal un thème musical qui revient lorsque le personnage est présent. Ce thème peut varier en fonction de l'état d'esprit du personnage ou de l'action en cours. Les thèmes musicaux des différents personnages peuvent aussi se mélanger, comme lorsque la princesse Leia tombe amoureuse de Han Solo.
C'est Steven Spielberg qui a présenté John Williams au réalisateur George Lucas. Au moment de la sortie du film, personne, même dans l'équipe de production, n'imaginait le succès que le film remporterait. Le public réagit avec un enthousiasme débordant dès les premières projections, et "Star Wars" devient un phénomène culturel sans précédent dans le 7e art. Pressée sur disque, la bande originale se vend à plus de quatre millions d'exemplaires.
Encore aujourd'hui, qu'on ait vu ou non "Star Wars", presque tout le monde est capable de reconnaître, voire de chanter, le leitmotiv de Dark Vador que l'on peut entendre dans l'épisode "L'Empire contre-attaque", sorti en 1980. Un air qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler la "Marche funèbre" de Chopin.
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
"Star Wars" marque le véritable tournant de la carrière de John Williams. Un tournant que lui-même associe à ce jour de 1977 où l'Orchestre philharmonique de Los Angeles a joué pour la première fois la musique de ce film en public.
Une reconnaissance et une consécration de son travail de compositeur qui venaient du milieu de la musique classique, milieu qui ne considérait pas la musique de film comme digne d'être présentée en concert jusque-là.
Chapitre 4
Sept petites notes aussi célèbres que le héros d"Indiana Jones"
Collection ChristopheL via AFP - PARAMOUNT PICTURES / LUCASFILM
"Ta-ta-ta-ta, ta-ta-ta": cette fois-ci, ce sont sept notes, que l'on entend après environ douze minutes de film, qui permettent au thème musical d'"Indiana Jones et les aventuriers de l'arche perdue" (1981) d'entrer dans l'histoire.
Fort de ses succès précédents, John Williams continue d'utiliser le principe du leitmotiv et il le fera encore. Quelques arpèges simples joués à la trompette sur un rythme plein d'énergie qui contribuent à renforcer l'image de l'aventurier intrépide et charismatique campé par l'acteur Harrison Ford. Un air entré dans l'inconscient collectif, qui symbolise désormais l'héroïsme et la bravoure.
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
Pour cette B.O., John Williams veut créer une musique qui donne envie de partir à l'aventure, mais aussi quelque chose d'amusant. Il va puiser dans son héritage jazz et réécoute des musiques des années 1930, période où se déroule l'intrigue.
John Williams présente à Spielberg deux propositions pour le thème principal. Le réalisateur adore les deux. Ils seront donc fusionnés pour n'en donner qu'un seul, connu sous le nom de la "Raiders March". Le premier segment est celui que l'on est presque tous capables de fredonner. Héroïque et dynamique, il est entendu dans les moments d'action. Un peu plus doux, le second segment permet de souligner la personnalité intrépide, mais aussi humaine de l'archéologue.
D'autres thèmes sont développés dans cette B.O., comme celui de Marion, très romantique et nostalgique, qui apporte une dimension plus émotionnelle à ce film d'action. Ou celui de l'Arche. Plus mystérieux et solennel, il rappelle des airs religieux et antiques. Plus généralement, on retrouve dans cette bande-son des sonorités proches de celles de Max Steiner, d'Erich Wolfgang Korngold ou encore du compositeur anglais Gustav Holst.
La musique d"’Indiana Jones" a largement contribué au succès de la franchise, aidant à faire d'Indiana Jones un héros iconique du cinéma. Nommé neuf fois aux Oscars en 1982, le film en récolte cinq, mais pas celui de la meilleure musique.
La "Raiders March" est néanmoins devenue l'un des thèmes les plus reconnaissables dans l’histoire du cinéma. Le succès a été tel que chaque film de la série "Indiana Jones" a réutilisé cette musique, avec quelques variations et arrangements pour s’adapter aux différentes ambiances et scènes.
Et contrairement aux autres franchises comme "Star Wars" ou "Harry Potter" sur lesquels John Williams a travaillé, il compose ici les bandes originales de tous les films de la série. Le dernier en date étant "Indiana Jones et le cadran de la destinée", sorti en 2023.
Ce thème musical d'"E.T." qui nous a tous fait décoller
AFP
La musique de "E.T., l'extraterrestre" est entrée dans la légende au même titre que le film lui-même. Cette touchante histoire d’amitié entre un jeune garçon, Elliott, et un extraterrestre réalisé par Steven Spielberg a marqué des générations d'enfants et d'adultes depuis sa sortie en 1982. Et là encore, John Williams réussit à sublimer les thèmes principaux du film que sont le merveilleux, l'innocence de l'enfance, mais également le suspense, la peur et la tristesse de la séparation.
La bande originale du film est dominée principalement par deux motifs musicaux. Celui d'E.T., qui est introduit dès les premières scènes et qui parcourt tout le film. Une mélodie légère qui représente le lien de l'extraterrestre avec les enfants, Elliott en particulier, mais qui montre également la douceur et la vulnérabilité de l'alien.
L'autre thème musical majeur est celui du vol ("Flying Theme") qui apparaît dans l'une des scènes les plus emblématiques du film et du cinéma en général. Celle où les enfants s'envolent avec leur vélo, puis passent devant une pleine lune. Un moment de liberté et de magie sur lequel vient se poser une mélodie puissante de cuivres.
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
La musique a aussi toute son importance dans la scène finale du film, lorsque E.T. repart chez lui et fait ses adieux à Elliott. Un moment plein d'émotion dans lequel le thème musical principal est revisité et va en s'intensifiant alors que le vaisseau spatial décolle. Ici, la musique permet de passer de la tristesse d'un adieu à une sensation plus apaisante.
Une célèbre anecdote en lien avec le tournage de cette dernière scène raconte que Spielberg avait tellement aimé la composition de Williams pour cette scène qu’il lui a demandé de jouer la musique librement, sans qu’elle soit minutée précisément sur les images, comme c'est le cas pour le reste du film. Ce n'est qu'après que le réalisateur a adapté le montage de la scène sur la musique déjà enregistrée. Un choix rare dans le cinéma.
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
À sa sortie, "E.T." est unanimement salué par la critique et le public. La bande originale remporte de nombreux prix, dont l’Oscar de la meilleure musique originale en 1983.
La tristesse insondable de l'air de violon de "La liste de Schindler"
Collection ChristopheL via AFP - AMBLIN / UNIVERSAL PICTURES
Qui n'a pas versé une larme en entendant la musique de "La liste de Schindler" sorti en 1993? En tous cas pas Steven Spielberg, ni sa femme, ni John Williams qui l'a composée. Dans le documentaire "Music by John Williams", Kate, la femme du réalisateur, raconte la première fois qu'elle et son mari ont entendu cette musique. "Johnny s'asseoit au piano (...). Il avait ses partitions manuscrites et on était debout à côté de lui. Il commence à jouer. Je n'oublierai jamais ce moment", indique-t-elle les larmes aux yeux.
De son côté, Steven Spielberg se souvient avoir ressenti "une tristesse insondable en entendant ces motifs simples, mélodiques, expressifs et angoissés". Et d'ajouter: "Dès les premières notes, Kate s'est mise à pleurer. Quelques notes plus tard, je pleurais et Johnny aussi, tout en continuant à jouer."
Ce passage deviendra le thème musical principal de ce film qui raconte l'histoire vraie d'Oskar Schindler, un industriel allemand qui a sauvé la vie de plus d’un millier de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Son exécution est confiée au célèbre violoniste israélien Itzhak Perlman. Il sublimera cette composition à la fois belle et douloureuse en y apposant son jeu sensible et virtuose. John Williams recevra pour cette musique son cinquième Oscar en 1994.
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
Au départ pourtant, John Williams ne se sentait pas à la hauteur. Après avoir visionné le film, profondément ému par l'histoire et l'intensité de la réalisation de Spielberg, il lui aurait déclaré: "Tu mérites un meilleur compositeur que moi pour faire la musique de ce film". Ce à quoi Spielberg aurait répondu: "Je le sais, mais ils sont tous morts". Un immense compliment détourné, mais cet échange illustre également la responsabilité qu'a dû ressentir John Williams au moment de composer une musique qui se devait d'être à la hauteur de l'importance et de la gravité de ce sujet.
Aujourd'hui encore, cette émotion reste bien présente à l'écoute de l'un des airs les plus appréciés et écoutés du compositeur. Un air qui se retrouve également régulièrement dans les premières places des classements des plus belles musiques de film, comme de nombreuses autres de John Williams d'ailleurs.
Ce chef-d'œuvre est souvent joué lors de concerts, mais également lors de cérémonies commémoratives en l’honneur des victimes de l'Holocauste. Dans le documentaire "Music by John Williams", le violoniste Itzhak Perlman confie en souriant: "A chaque fois que je joue, que ce soit sur n’importe quel continent, c’est toujours la même histoire! On me demande systématiquement de jouer la musique de 'La liste de Schindler'."
Chapitre 7
Le thème magique de la saga "Harry Potter"
Collection ChristopheL via AFP - WARNER BROS / HEYDAY FILMS
La musique de "Harry Potter", composée par John Williams, a joué un rôle essentiel dans la création de l'univers de la saga. Elle a aidé à donner vie aux éléments, aux personnages et aux aventures prenant place dans ce monde magique.
Au moment de réaliser le premier film "Harry Potter à l'école des sorciers" (2001), le réalisateur Chris Colombus voulait une musique à la fois accessible pour les enfants et évocatrice de cet univers merveilleux. C'est naturellement le nom de John Williams qui est arrivé en tête des propositions.
Comme à son habitude, le compositeur réussit à relever le défi et propose une musique immédiatement reconnaissable qui saisit l'essence même de la magie, de l’amitié et de l’émerveillement qui se trouvent au cœur de l'univers de Harry Potter. Il suffit d'entendre les premières notes jouées au célesta de l'"Hedwig's Theme" pour se retrouver directement à l'école des sorciers de Poudlard. Bien que portant le nom de la chouette d'Harry Potter, ce thème est devenu l'emblème général de la magie dans cette saga.
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
John Williams a composé une multitude de thèmes secondaires pour représenter les différentes facettes de l'univers inventé par l'écrivaine J. K. Rowling. Ainsi le thème majestueux et solennel de Poudlard qui représente l'école de sorcellerie avec ses traditions anciennes et son atmosphère particulière.
Williams a choisi une large gamme d’instruments pour renforcer le caractère féérique et mystérieux de l'univers d'Harry Potter. Outre le célesta, il utilise des flûtes, des cordes, des bois et des percussions pour créer des effets magiques et mystérieux. Il emploie également des chœurs dans certaines pièces, ajoutant une dimension sérieuse et mystique, notamment lors de scènes se déroulant dans des lieux sacrés ou anciens, comme la Forêt interdite ou la Chambre des secrets.
La musique d'"Harry Potter" est devenue indissociable de la franchise. Elle a été reprise et adaptée dans les films suivants par d'autres compositeurs, tels que Patrick Doyle, Nicholas Hooper ou encore Alexandre Desplat. Mais le "Hedwig’s Theme" reste omniprésent tout au long de la série, symbolisant l’univers magique de façon immédiate.