La sortie de "Nevermind" il y a 25 ans marque plusieurs changements dans une industrie somnolente. Le grunge, terme inventé par les journalistes, a le mérite de détourner les regards de la scène de Los Angeles pour se porter vers la verte Seattle et sa périphérie, plus connue pour être un centre économique qu'un réel creuset musical.
Comptabiliser les ventes avec plus de précision
En 1991, on observe également un changement radical dans la façon de comptabiliser les ventes de musique avec l'introduction du système Soundscan, qui se base désormais sur la précision des codes-barre et non plus sur le retour subjectif des gros vendeurs. Le premiers chiffres font l’effet d’une douche froide et contredisent les prévisions: en tête des ventes, on retrouve le hip hop, le métal et la country.
La réaction des maisons de disques sera la même qu'à chaque gros phénomène musical: s’engouffrer dans la brèche ouverte par le trio d'Aberdeen. Si un seul Nirvana pouvait vendre des millions de disques, combien de groupes du milieu indépendant et alternatif attendaient dans l’ombre?
>>Découvrez le reportage de Vincent Rebetez, François Küffer et Nicolas Julliard à l'occasion des 20 ans de l'album "Nevermind", réalisé aux Etats-Unis sur les traces de Kurt Cobain:
L'histoire de la pochette
25 ans après, la vie étant bien faite et le cycle de la mode relativement prévisible, les Doc Martens, les jeans troués et les chemises de bûcheron font leur grand retour chez les adolescents. Comme Kiss, la bouche des Rolling Stones et Eddie d'Iron Maiden, les t-shirts de Nirvana se vendent comme des petits pains comme pour dire "j’avais deux ans quand "Nevermind" est sorti, et toi t’étais pas né … ".
Celui qui à ce petit jeu peut véritablement frimer, c’est le bébé nageur de la pochette de Nevermind. Âgé de 4 mois au moment de la séance photo, en été 1991, Spencer Elden a aujourd’hui environ 25 ans. "Mes parents ont été contactés par le photographe, ils ont été payés 200$ et sont allés manger des Tacos après la séance. Pas de quoi fouetter un chat" a commenté Elden dans une interview donnée au Guardian. "Quand j’ai fêté mes 1 an, "Nevermind" était déjà vendu à 3 millions d’exemplaires."
300 millions d'exemplaires vendus
D'après les estimations les plus optimistes de Geffen, "Nevermind" aurait pu atteindre les 250'000 exemplaire vendus, et peut-être, si tout le monde avait bien travaillé, obtenir un disque d’or en septembre 1992, une année après sa sortie. Mais en janvier 1992 déjà, il avait dépassé l’album "Dangerous" de Michael Jackson dans les charts et 25 ans après sa sortie, ce sont plus de 30 millions d’exemplaires de la photo de Spencer Elden qui ont été écoulés.
Ellen Ichters / mhae
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Photographier une naissance dans l'eau
Le photographe Kirk Weddle, mandaté pour la photo de la pochette de "Nevermind", avait pour première mission de prendre une photo de la naissance d’un bébé dans l'eau, Kurt Cobain et Dave Grohl ayant peu de temps auparavant vu un documentaire sur ce sujet. Mais Geffen, le label du groupe, y mit son veto jugeant que l'image serait trop extrême; Kirk Weddle tenta alors sa chance dans un cours pour bébés nageurs. "Il y avait une petite fille qui nageait comme une machine: un véritable petit moteur subaquatique" commente Weddle dans un article pour Spin. "Le label a vu la photo et a dit: on veut le pénis, on veut le pénis!".
Bien sûr, le pénis en question allait faire controverse et par conséquent deviendrait un argument de vente. Le staff de Geffen avait anticipé la manœuvre et avait prévu des versions de la pochette sur lesquelles le détail gênant (et circoncis, il faut le préciser) n’apparaîtrait pas. Kurt Cobain s’opposa violemment à ce révisionnisme, en affirmant que le seul compromis qu'il accepterait serait un autocollant avertissant "Si vous vous sentez choqué par cela, c’est que vous devez être un pédophile qui se cache." Et le label céda.