Au royaume du burlesque chanté, Katerine est roi. Ou plutôt un fou du roi. Un "Bonjour je suis la reine d'Angleterre et je vous chie à la raie", avec en guise de salut une main droite agitée et en guise de costume un justaucorps turquoise avec manches bouffantes de jeune page du Moyen Age, donne d'ailleurs le ton fantasque du spectacle.
Lundi soir à l'Alhambra de Genève, le nouveau tour de chant du Français tient davantage de la prestation comique que du concert classique malgré sa formule piano-chant. Aux costumes d'époque s'ajoutent ici la poésie régressive, la geste théâtrale, la danse, la performance comique et plusieurs baise-mains dispensés aux premiers rangs du parterre.
Acteur-chanteur
Dans son numéro d'acteur-chanteur, de Buster Keaton sous ecstasy, Katerine est guidé autant qu'épaulé par la concertiste roumaine Dana Ciocarlie, qui a imaginé de nouveaux arrangements pour son répertoire récent ("Papa", "Les objets" ou "Compliqué"), celui du dernier album composé de saynètes intimistes "Le Film", et plus ancien ("La banane" ou "Des bisoux"). Avec une mention spéciale pour la réorchestration frénétique des désormais mythiques coupures sonores de "Louxor j'adore" que le public plébiscite en choeur.
Un dispositif simple mais efficace qui souligne et libère pleinement les textes loufoques d'un Katerine qui s'en donne à coeur joie, sourires et mimiques d'enfant de moins de "3 ans" avec son "Doudou", comme dans ses récentes chansons.
En son jardin scénique, où défilent notamment quelques instruments jouets (triangle, saxophone, flûte à bec ou à coulisses, couvercles de casserole), un hérisson écrasé, des plantes merveilleuses, des bruits de circulation, des inserts d'airs de Mozart et Dalida, des boules à facettes et stroboscopes, Katerine cultive sa folie dans les moindres détails.
Mise en scène excentrique
Une mise en scène aussi excentrique que son interprète qui sied à ses histoires en apparence sans queue ni tête, convoquant délires paranoïaques autour d'une blonde ("Marine Le Pen" ressuscitée à propos en cette année présidentielle), éjaculation précoce ("Excuse-moi") ou déclaration d'amour à un poulet en pleine fièvre panique aviaire ("Poulet n° 728 120").
Katerine jouit sans complexe des futilités de l'existence et ne craint à nouveau jamais le grotesque. Malgré quelques longueurs dans le comique de répétition, sa prestation à hurler de rire fait du bien. Mais quand il entonne "Patati Patata" dans le noir pourtant, avec deux lampes de poche qu'il finit par jeter par terre pour tirer sa révérence, on est paradoxalement content que ses pitreries s'achèvent. Rideau? Non, le fou du roi revient côté cour pour entre autres offrir sa synthèse finale: "Le monde est merveilleux, la vie c'est merveilleux".
Olivier Horner
Katerine chante les chansons de son nouvel album, Le Film, mais aussi ses vieux tubes avec des bananes, des doudous, le Louxor, Marine Le Pen, la Reine d’Angleterre, un poulet et patati et patata.
Chantés en chœur par un public les pieds mouillés mais la tête dans les étoiles, qui vit le concert comme une grande séance de défoulement joyeux. Sommet de régression loufoque, le concert de Katerine est aussi un spectacle de danse expérimentale, une performance comique et un grand moment de poésie orale (voire anale). Totalement en harmonie cosmique avec la thématique de la fiction, donc. Pendant le concert de Katerine, on a même vu voler un hérisson.