Commençons par la fin: le 1er juillet 1972, Boby Lapointe meurt. Il a 50 ans.
Il était un peu connu, mais pas trop, et il l'était surtout par un public de connaisseurs, un public qui fréquentait le Paris bohème, le Paris des cabarets, celui de St-Germain-des-Prés. Un monde totalement disparu, dont heureusement il reste quelques traces sonores. Les frères Jacques, Raymond Queneau, Boris Vian, pour n'en citer que quelques-uns, proches de Boby Lapointe, circulent et l'inspirent. Aucun n'ira aussi loin que lui dans l'entreprise de "dynamitage du langage" (comme l'écrit Jacques Donzel).
Les artistes sont mal payés, ils enchaînent les numéros d'un cabaret à l'autre, ils passent parfois la nuit entière à aller d'une petite scène enfumée à la suivante. Des talents éclosent, des personnalités se rencontrent… Boby Lapointe fait notamment la connaissance de Pierre Etaix, le cinéaste-magicien, et de Georges Brassens, à qui une solide amitié le noue. Brassens, qui l'aidera de son mieux, une fois son propre succès venu, en l'engageant – parfois à ses risques et périls – pour faire ses premières parties.
Ce qui le rend unique? Entre autres, son attitude sur scène, sa gestuelle invraisemblable, son sens de la mesure très personnel, et ses textes pratiquement incompréhensibles, sauf si on les a déjà entendus plusieurs fois.