Un raccourci clavier qui active une pop obsédante. Vendredi soir, dans le noir de la salle du Lab du Montreux Jazz, Alt-J semblait avoir à cœur de briller. Pour leur troisième halte attendue au Festival en autant d’albums depuis les mélancolies obsédantes de "Awesome Wave" voilà cinq ans, les Anglais ont à nouveau déroulé toute leur science des lignes courbes, sinueuses.
Séparé par des rangées de tubes à la verticale façon néon multicolore, le trio se présente savamment aligné dans la largeur de la scène dans une scénographie des plus graphiques. Le visuel jouant ici les contrastes et contrepoints à la froideur ou langueur des titres. A l’image de "3WW", extrait de leur dernière splendeur discographique "Relaxer", qui donne d’emblée les tons et demi-tons d’un concert où alterne ballades mélancoliques, pop médidative ou rock venimeux. Jusqu’au final en apothéose de "Breezeblocks", tube toxique du premier album.
Un labyrinthe duquel on réchappe difficilement
Même s’ils ne sont parvenus sur scène à restituer qu’en partie les chausses-trappes de leur répertoire qui procède par hybridations de styles, aux confins des univers du Radiohead de "Ok Computer" (référence aussi revendiquée qu’assumée), de la folk et du classique période Renaissance, Alt-J a démontré qu’il reste un labyrinthe duquel on réchappe difficilement.
Un groupe en forme d’entité mouvante, insaisissable, dont la bande sonore orchestre avec autant de rigueur que de liberté synthés, cordes, beat electro, acoustique folk, réverbérations de guitares, syncopes hip-hop, percussions tribales ou sonorités hispanisantes.
De l'ardeur dans la torpeur
Tortueux et imprévisible, sophistiqué et débraillé, à l’image de la voix de craie de son leader Joe Newman, Alt-J captive souvent nonchalamment. Une prouesse pour cette jeune formation qui impose au Montreux Jazz de couper les écrans géants latéraux pour mieux concentrer l’attention sur la sève de ses chansons et leur mise en scène graphique. Et quand soudain résonne le pétaradant et cahotant "In Cold Blood", c’est ici toute l’essence d’Alt-J qui prend corps. Une forme d’ardeur perpétuelle dans une torpeur de façade.
Olivier Horner
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