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The Roots: le meilleur groupe hip-hop porte bien son nom

The Roots fait office d'exception dans le monde du rap, en se déplaçant toujours en orchestre. [Montreux Jazz Festival - Daniel Balmat]
The Roots fait office d'exception dans le monde du rap, en se déplaçant toujours en orchestre. - [Montreux Jazz Festival - Daniel Balmat]
Quoi de plus compliqué que de remplacer une tête d’affiche (Emeli Sandé) au pied levé, quand on est censé jouer le lendemain comme backing band d’une autre star (Usher)? Mardi soir à Montreux, The Roots ont malgré tout fait une démonstration de force.

Le rap est souvent décrié par les musiciens d’autres courants pour sa tendance impertinente à se passer d’instruments, surtout sur scène. La majorité des stars du rap remplissent effectivement les salles de concert en formation réduite (micros et platines reliées à un ordinateur). Dans ce paysage dématérialisé, le groupe The Roots a toujours fait office d’exception, lui qui se déplace sous forme d’orchestre.

Meilleur second rôle

Hier soir, ils étaient donc onze sur la scène du Stravinski, menés à la baguette par le leader et batteur Questlove (sans sa coupe afro légendaire, remplacée par des tresses plaquées).

La tâche était difficile: remplacer Emeli Sandé, alors que The Roots sont à Montreux à la base pour jouer derrière Usher - le concert est ce soir - et que leur dernier album date de 2014 (...And Then You Shoot Your Cousin). Autre point: le groupe est plus connu en tant que backing band, accompagnant les concerts d’artistes comme Jay-Z ou les performances des invités dans l’émission The Tonight Show (avec l’animateur Jimmy Fallon), que pour ses propres œuvres.

Questlove, batteur et leader de The Roots [Montreux Jazz Festival - Daniel Balmat]
Questlove, batteur et leader de The Roots [Montreux Jazz Festival - Daniel Balmat]

La maîtrise des reprises

Pas étonnant donc que les 2h15 de concert aient été parsemées largement de reprises et de solos en tous genres, histoire de démontrer l’étendue de leurs talents. Entre deux titres rap: un interlude funk ici, un solo de jazz là, un morceau de blues réarrangé à leur sauce. Le show de The Roots est une ode aux musiques noires, qu’ils maîtrisent sur le bout des doigts, du tubiste au guitariste.

Mention spéciale à Jeremy Ellis et son solo sur échantillonneurs, ces machines boutonneuses qui permettent de jouer des bouts de tout et n’importe quoi. Le tapoteur fou a déchaîné les foules, en reprenant du James Brown et en finissant par appuyer sur les pads avec son menton (!).

Des classiques et du rap malgré tout

Et même si les instruments ont pris beaucoup de place ce mardi soir, le rappeur Black Thought n’a pas chômé, agissant en véritable maître de cérémonie éclectique. Ici, pas d’Autotune; les seuls effets ajoutés à sa voix sont des échos, lui donnant une teinte reggae. Le MC s’adapte, chante, rappe, ambiance le tout.

Un des moments les plus drôles a été celui où le second leader du groupe a commencé à imiter le "mumble rap", tendance récente et populaire qui consiste à rapper en parlant dans sa barbe, voire à ne prononcer que des onomatopées. En passe-passe avec Questlove, Black Thought a ainsi formulé sa critique du rap actuel, en écho à leur hit "Don't say nuthin'", qui contenait déjà du "mumble" en 2004.

Entre ce dernier et d’autres classiques comme "Break you off", "You got me" ou "The Seed 2.0", Black Thought a tenté de rappeler que The Roots avaient malgré tout une discographie respectable. Et le public présent a répondu favorablement.

Ce soir, ce ne sera pas Black Thought qui tiendra le micro, mais la superstar du RnB Usher, comme prévu. Si le nombre de hits sera bien plus grand, la touche des Roots devrait assurément rendre ce moment magique pour les fans du chanteur. Comme d’habitude, avec ces virtuoses de la pénombre.

José Tippenhauer/sc

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