Manuel Gagneux, le leader et mentor de Zeal & Ardor, aime les défis. Lassé par la routine de l’univers de la pop dans lequel il gravitait, ce musicien n’a pas hésité à faire appel aux internautes pour définir l’identité de son nouveau projet musical.
En 2016, le jeune Bâlois, qui partage son temps entre New York et les bords du Rhin, se branche sur le forum 4chan et demande à tout un chacun de lui proposer deux univers musicaux très contrastés, charge à lui de les concilier et de composer un morceau en l’espace de 30 minutes. Les propositions les plus diverses lui parviennent. Finalement, deux styles surnagent: le black metal et la nigger music, à savoir le chant des esclaves.
Un mélange de black metal et de gospel
La perspective de mêler ces genres déstabilise tout d’abord Manuel Gagneux, mais très vite il se rend compte qu'elle fait écho à son passé, à sa passion pour le metal mais aussi à ses racines afro-américaines. Une chose réunit par ailleurs ces deux musiques, le christianisme imposé tant aux esclaves noirs qu’aux peuplades scandinaves.
Avec Zeal & Ardor, Manuel Gagneux imagine un gospel de révolte et de rébellion, inspiré plus par les rites occultes et la magie noire que par les prêches chrétiens. Une musique qui aurait collé parfaitement à la dérive sombre du film "Django" de Quentin Tarantino.
>>La chanson "Devil is Fine":
Le Bâlois compose un premier album et le met sur bandcamp. Une journaliste musicale américaine tweete, enthousiaste. Le buzz est déclenché. "Devil is fine" est classé dans le top ten des meilleures productions de l’année par le magazine Noisey. Le groupe est programmé dans plusieurs festivals prescripteurs comme The Great Escape et prochainement The Reeperbahn Festival et les Transmusicales de Rennes.
Un résultat impressionnant
Il faut dire que le résultat sonore est impressionnant: la voix profonde de Manuel Gagneux capte l’oreille, tout comme l’étrange alchimie des guitares profondes, des percussions lourdes et des bruits de chaînes.
Le rock de Zeal & Ardor a déstabilisé tant les amateurs de métal que de spiritual, pour qui ce télescopage tient du sacrilège. Manuel Gagneux n’en a cure, lui qui fait éclater les barrières du genre et ose insuffler des sonorités électroniques baroques en interlude entre des cavalcades de guitares. Il fait se croiser James Brown, Black Sabbath et Ray Charles.
Sur scène, il s’est assuré les services d’une vraie formation et de plusieurs choristes. Mais c’est lui qui mène le bal noir de Zeal & Ardor: ses riffs de guitares et ses litanies ont le pouvoir cathartique des rituels vaudou.
Michel Masserey/aq