Laibach compte parmi les musiciens précurseurs du rock épique et industriel. Avec son nouvel album "Also Sprach Zarathustra", le groupe slovène revisite un travail musical composé pour l’adaptation théâtrale du chef d’œuvre de Frédéric Nietzsche. La formation présente actuellement la version live de cet ambitieux projet qui sera à découvrir lors d’un concert unique en Suisse ce samedi soir à la Dampfzentrale de Berne.
Groupe phare de l’ancien bloc de l’Est, Laibach est apparu dans le panorama du rock au tout début des années 1980. La Yougoslavie est toujours sous la férule de Tito, lorsque ces musiciens lancent leur musique atypique qui télescope le rock épique de Queen, l’électro de Kraftwerk et les marches militaires.
Culture alpine
Le premier concert du groupe couplé à une exposition d’art est annulé par les autorités slovènes, car jugé trop provocateur et extrême. Son univers nourri par la culture alpine s’approprie les esthétiques les plus diverses, à savoir l’imagerie catholique, le suprématisme soviétique, l’imagerie industrielle et la propagande nazie.
Plus qu’un seul groupe, Laibach se profile comme l’élément musical d’un projet plus large: le "Neue Slowenische Kunst", le nouvel art slovène, mouvement réunissant tant des philosophes que des hommes de théâtre, des architectes, des designers, des cinéastes ou des écrivains.
Dénoncer la dérive de la société occidentale
Dès ses premières productions, le groupe fait sensation en Yougoslavie et bientôt dans le monde entier, où son univers dérangeant captive, mais aussi déstabilise une large part du monde culturel. Laibach utilise des langages extrêmes pour mieux dénoncer la dérive d’une société occidentale rongée par l’uniformisme et le profit, son travail questionne des notions artistiques marquantes comme l’appropriation, le droit d’auteur, la contextualisation.
Au fil de ses albums, le groupe se révèle aussi comme un grand copiste, revisitant des grands classiques de l’histoire du rock, comme "Sympathy for the Devil" des Rolling Stones, "Across the Universe" des Beatles, mais aussi des rengaines commerciales comme "Life is Life" du groupe Opus.
Chaque concert de Laibach tient à la fois de la grand-messe, du rite barbare et parfois du grand guignol. Le groupe s’est associé récemment à un cinéaste finlandais, composant la bande-son d’un film de science-fiction humoristique "Iron Sky", dont les protagonistes sont des nazis envahissant l’espace.
Parallèlement à ces expériences atypiques, le groupe se produit régulièrement avec des orchestres symphoniques en Slovénie et ailleurs. Il faut dire qu’au fil des années, le "Neue Slowenische Kunst" s’est affirmé comme le principal mouvement artistique du pays.
Michel Masserey/jd
Sujet traité dans le débat musique de "Vertigo" du 2 mars 2018