"On est complètement éduqué par son enfance. Tout se passe entre zéro et huit ans. Après on vit avec ses acquis, qualités ou défauts. Je suis resté très proche de mon enfant intérieur". Ainsi parle Louis Chedid, musicien autodidacte, fils de la romancière et poétesse Andrée Chedid, décédée en février 2011, et père de quatre enfants, trois musiciens et une réalisatrice. Les Chedid sont une dynastie, une tribu, "une famille en or", s'amuse-t-il. A comme artistes.
Une entrée par lettre
C'est d'ailleurs la première entrée du "Dictionnaire de ma vie" publié chez Kero. A travers son abécédaire très personnel, Louis Chedid raconte 45 ans de carrière, sa passion pour la famille, son amitié avec Alain Souchon, son admiration pour Françoise Verny, l'éditrice qui lui a fait confiance, et son attachement éternel à la maison familiale de Bouc Bel-Air, village provençal où vécut aussi Nina Simone, son idole. De ce paradis de l'enfance, il a fait une très jolie chanson qui est un peu devenue l'hymne du clan Chedid.
Quand je serai grand....
Né le 1 janvier 1948, d'origine libanaise, Louis Chedid déteste l'école, qui ne l'aime pas non plus."Quand je serai grand, je veux être libre". Il envie sa mère qui, sitôt levée, se met à sa machine écrire, encore en peignoir. Passionné de cinéma, il devient chef monteur chez Gaumont avant d'être repéré par François Bernheim, directeur artistique chez Barclay, qui écoute une maquette et lui fait enregistrer son premier album, "Balbutiements", en 1973. Sa rencontre en revanche avec Eddie Barclay sera un fiasco mais l'expérience lui aura servi pour apprendre à dire "non", le sésame des âmes libres.
Gainsbourg, le déclic
Comment celui qui fut petit chanteur à la croix de bois bascule-t-il du cinéma à la chanson? Quel est le déclic? L'album "Initials B.B" (1968) de Serge Gainsbourg. "Avant, en France, il y avait les chanteurs adultes, Brassens, Brel, Ferré, et ceux qui adaptaient les Anglais. Avec Gainsbourg, je découvrais qu'on pouvait chanter en français comme les Anglais." Très vite cet autodidacte casse sa tirelire pour s'acheter la boîte à rythmes Linn qui lui ouvre une incomparable palette de sons. "Ainsi soit-il" en est le résultat. Car Chedid est un geek de la première heure.
Premiers succès
En 1976, il est la vedette anglaise de Nicole Croisille à l'Olympia. C'est là que le remarque Patrick Dewaere, qui le soutient à ses débuts avec beaucoup de générosité et pour lequel il écrira en 1983 "Les Absents ont toujours tort", un an après le suicide de l'acteur le plus charismatique de sa génération.
Le succès vient en 77-78 avec "La Belle" et "T'as beau être beau". Depuis, Louis Chedid est l'auteur de 17 albums, d'un conte musical "Le Soldat rose", d'un roman "40 berges blues" et d'un recueil de nouvelles "Des Vies et des poussières". Il a aussi réalisé quelques musiques de film, notamment "Pinot simple flic".
En ce moment, il s'adonne à sa double passion: la comédie musicale et Cyrano de Bergerac, son héros préféré. Le spectacle qu'il écrit devrait être prêt à l'automne 2019.
Ecrire une chanson
Monter un film, écrire une chanson, l'approche est assez similaire. "Il faut exprimer une idée en 30 lignes, et cela demande du sacrifice. Il faut écrire beaucoup, beaucoup, et ensuite classer, déplacer, couper, couper, et couper encore jusqu'à trouver le bon rythme: un vrai travail de monteur", dit Louis Chedid.
Ce qu'en disait sa mère
Sa mère, qui n'était pas musicienne mais adorait la chanson française, commente avec enthousiasme le travail de son fils, dans un document de l'INA:
Il aborde des sujets graves, avec des paroles percutantes, mais toujours sur des musiques qui me donnent envie de bouger, de danser ou de faire de la gymnastique.
C'est le cas d'une de ses chansons phares: "Anne, ma soeur Anne" qui s'inquiète de la montée du Front National. C'était en 1985.
Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert
Réalisation web: Marie-Claude Martin
"Dictionnaire de ma vie", Louis Chedid éditions Kero , mars 2018