L'art des cadavres exquis et des pirouettes stylistiques baroques et détonnantes. Fulgurante révélation de la scène francophone voilà quatre ans, Feu ! Chatterton empruntait romantisme et surréalisme poétique à de glorieux aînés comme Bashung, Christophe et Gainsbourg pour les propulser dans une sphère électrique où rock et electro se télescopaient dans des décors sépias oniriques.
Evoquant parfois aussi Suicide ou Television, le quintet parisien au lyrisme libertaire et mélancolique a excellé dans les grands écarts désinvoltes, citant post-punk, new wave et chanson dans un même élan jouissif.
Aujourd'hui, avec "L'Oiseleur", leur deuxième album qui vient de paraître, les Français ont légèrement changé de cap musical via des virages plus psychédéliques.
Des vers d'Apollinaire, Aragon et Eluard
Sans déroger à leur écriture aussi singulière que sophistiquée où affleure notamment l'ombre portée d'Apollinaire, dont l'auteur-chanteur du groupe Arthur Teboul est un inconditionnel. La chanson "Souvenir" est par exemple inspirée de bribes de son poème "Adieu": "Nous ne nous reverrons plus sur terre/ Dit le poème/ Le passé vient plus vite qu’on ne pense/ À genou, j’implore ciel et mer/ Et ce brin de bruyère/ Un souvenir pour récompense". Ailleurs, ce sont des vers d'Eluard qui nourrissent "Le départ" et ceux d'Aragon qui innervent "Zone libre".
Dans une veine toujours poétique où l'amour perdu et le voyage sont cette foi roi, "LOiseleur" joue plus volontiers la carte des contre-pieds et des ruptures au sein même de morceaux autrefois plus épiques, en en variant le ton et le rythme. En treize chansons protéiformes, alambiquées parfois, aux mélodies et mélancolies bénies, Feu! Chatterton active ses fantômes avec une élégante théâtralité.
Olivier Horner
>> A écouter: Feu! Chatterton en showcase dans "Pony Express" sur Couleur 3.
Feu! Chatterton en concert au Corbak Festival, La-Chaux-du-Milieu, le 18 mai; Paléo Festival, Nyon, le 21 juillet (complet).