A cette situation avantageuse s’ajoute le fait que ses premières compositions sont appréciées, et son talent de pianiste lui vaut des tournées. Le jeune Beethoven apparaît comme un jeune virtuose arrogant et insatisfait. Il affiche de hautes prétentions financières, dépense mal et vite ses gains.
Il semble, malgré tout, frustré dans ses propres recherches esthétiques. Tout au contraire de l’astre musical qui brille sur Vienne: le vieux Joseph Haydn, tranquille, respecté, affable, demandé dans toute l’Europe, au sommet de sa gloire et de sa fortune.
Mozart, l'astre viennois s'éteint en 1792. Pour Beethoven, qui avait tenté sans succès de rencontrer le divin Wolfgang quelques années plus tôt, Mozart est tout à la fois: un phare et une ombre imposante. Beethoven est habité d’un complexe d’infériorité vis-à-vis de Mozart, aimé du public, triomphant dès l’enfance avec une facilité qui manque à Beethoven.
En outre les œuvres de Mozart, en particulier celles en mineur, plus sombres et dramatiques (plutôt que celles brillantes et légères), impressionnent Beethoven au plus haut point. Le 24e concerto pour piano de Mozart est aux yeux de Beethoven un sommet à jamais insurpassable du genre.
Surgissant dans ce contexte, la 8e sonate apparaît comme l’une des œuvres par lesquelles Beethoven trouve sa voie, se profile, devient… beethovénien. Il en est conscient.
Il sait qu’avec cette pièce inhabituelle, marquée par des contrastes violents, il risque de déclencher des avis partagés au moment où il essaie de remporter des succès majeurs.