Standing ovation, samedi dernier, au Théâtre Municipal de Rio de Janeiro. Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande ont été acclamés après la Symphonie N° 3 de Brahms. Une lecture dense, un peu plus vive que celle menée deux jours auparavant à Santiago, au Chili, au fil d’une tournée du centenaire qui remporte un beau succès en Amérique du Sud.
"Un continent en plein développement"
Pour fêter leur premier siècle de l’orchestre, tout en regardant vers l’avenir, les musiciens ont entamé un périple dans ce "continent qui s’est énormément développé ces dernières années, notamment au niveau de la jeunesse et de la relève des musiciens", comme le souligne Steve Roger, ancien directeur général de l’OSR qui organise la tournée avec la nouvelle équipe administrative en place.
Logés dans de très bons hôtels, encadrés par une équipe technique qui se démène pour mener à bon port les instruments lors des fréquents déplacements en avions, les membres de l’OSR affichent une belle forme artistique. Hormis un altiste qui a été rapatrié en début de tournée à Genève pour des raisons familiales, les concerts se déroulent dans des conditions optimales.
Si la Symphonie N° 3 de Brahms pourrait être plus enlevée, moins diluée, portée par un influx rythmique plus marqué (une question de goût, bien sûr), on y trouve des couleurs orchestrales savantes et raffinées.
Beaux concerts au mythique Teatro Colón
Partout, l’accueil a été favorable, à commencer par l’Argentine. Le pianiste Nelson Goerner, originaire d’une ville au nord de Buenos Aires (San Pedro) et établi à Genève depuis plus de trente ans, est l’enfant du pays. Il a été très applaudi – à juste titre – après avoir joué le Concerto en sol de Ravel au Teatre Colón.
Cette salle mythique qui peut accueillir jusqu’à 2300 auditeurs date du début du siècle dernier. Ses dorures, ses balcons et ses galeries en demi-cercle sont du plus bel effet. Autre temps fort: le poème symphonique "Une Vie de Héros" de Strauss a envoûté l’audience dans ce même site légendaire.
Des salles très différentes d’une ville à une autre
D’un style radicalement contemporain, enterré sous terre, l’auditorium CorpArtes de Santiago est un espace plus confiné. Les musiciens n’ont pas eu le même plaisir d’y jouer, en raison d’une acoustique plus directe, "un peu mate", "qui claque".
Ici, le son ne s’épanouit guère avec la même ampleur qu’au Teatro Colón. Mais le public a manifesté son enthousiasme, notamment après le Concerto pour violoncelle de Dvorák interprété avec fougue et musicalité par Xavier Phillips (que celui-ci jouait aussi à Buenos Aires). Enfin, le Théâtre Municipal de Rio de Janeiro est un théâtre de style ancien, calqué sur le modèle du Palais Garnier à Paris, relativement petit mais plein de charme, délicieusement désuet.
Se chauffer et répéter dans les chambres d’hôtel
En tournée, les musiciens répètent dans leurs chambres d’hôtel ou dans des salles mises à leur disposition pour ne pas gêner les autres clients quand le volume sonore est trop fort – la section des cuivres en particulier. Ils travaillent avec sérieux, mais s’octroient des moments de pause.
A Rio de Janeiro, beaucoup se sont rendus au Corcovado (avec le fameux Christ rédempteur aux bras tendus) et au Pain de Sucre pour contempler la ville depuis les hauteurs. Certains sont même allés faire un bain de minuit impromptu, après avoir bu une caïpirinha ou s’être restauré dans des restaurants typiquement brésiliens au son des groupes musicaux locaux.
Une tournée soude les musiciens
Oui, c’est la fête en tournée. Non seulement les musiciens apprennent à mieux se connaître, mais ils sont amenés à donner le meilleur d’eux-mêmes pour faire valoir "leur orchestre". Ils sont accompagnés par les régisseurs de scène qui accomplissent un travail gigantesque de manutention dans les coulisses. Les déplacements – d’une ville à une autre, d’un aéroport à un autre – exigent une endurance physique comparable à celle d’athlètes.
Sitôt un concert donné, il faut plier le matériel et ranger les instruments dans des caisses (des "flightcases") pour les transporter à l’aéroport et les charger sur l’avion. Tout ce travail se passe souvent de nuit ou au petit matin, avec de longues heures d’attente.
São Paulo en point d’orgue
"Nos équipes sont de plus en plus épuisées et arrivent à leurs dernières forces, explique Grégory Cassar", ancien régisseur d’orchestre devenu régisseur principal du personnel à l’OSR. Mais "ils tiennent bon", conscients qu’il leur faut ménager leurs forces et bien doser leur capital énergétique. Les derniers concerts s’annoncent sous les meilleurs auspices, dans la salle de São Paulo, un superbe espace contemporain qui a été aménagé dans le hall d’une ancienne gare.
Jonathan Nott y dirige la Symphonie N° 3 de Brahms et Une Vie de Héros de Strauss, une œuvre spectaculaire où l’orchestre peut faire valoir tous ses pupitres, des cordes aux cuivres, en passant par les bois et la percussion.
Julian Sykes/mcc