Le monde de l'opéra est foncièrement masculin. Si les voix féminines ont toujours ébloui l'auditoire, les exemples de femmes compositrices parvenant à faire jouer leurs opéras sont rarissimes, même de nos jours. A l'époque baroque, on n'en trouve que quelques exemples marginaux, comme Elisabeth Jacquet de la Guerre en France, ou Francesca Caccini en Italie.
En France pourtant, dans les décennies qui suivent la Révolution, soudain les femmes composent – et leurs œuvres accèdent aux théâtres lyriques.
Certes, cette profusion d'opéras composés par des femmes correspond à une recrudescence générale de la production théâtrale et opératique. Alors que sous l'Ancien Régime, seuls les théâtres agréés par le Roi pouvaient donner des pièces lyriques, la nouvelle donne politique voit se multiplier les salles et les productions.
Le théâtre, lyrique ou non, se démocratise, et devient la distraction principale de toutes les classes sociales. L'offre est immense, et cela permet en partie d'expliquer l'arrivée de femmes sur ce marché.
Dans "Écrire l'opéra au féminin - Compositrices et librettistes sous la Révolution française" (Ed. Symétries), les deux auteurs, Robert Adelosn et Jacqueline Letzter, constatent que dans les dix pièces de théâtres les plus jouées en 1792 et 1795, la majorité sont des oeuvres signées par de femmes.
Il apparaît qu'entre 1770-1820, environ 25 femmes ont vu leurs opéras joués dans des théâtres publics. Une situation impensable avant cette époque - mais aussi après.