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Les musiciens soignent et apprivoisent leur trac

La chanteuse romande Sandor sur scène au festival hollandais Eurosonic, à Groningen, le 19 janvier 2018. [RTS - Olivier Horner]
Musicien: comment dompter le trac? / Magnétique / 52 min. / le 31 mai 2018
La tremblotte n'est plus taboue. Le trac se combat désormais dès la formation des musiciens, en utilisant yoga, coaching ou même la réalité virtuelle. Et il peut même être un véritable moteur pour les artistes. Décryptage.

Adagio pour sueurs froides, le cœur qui bat la chamade et une envie teintée de nausée d'être ailleurs. N'importe où ailleurs qu'en coulisse, sur le point d'entrer en scène. Le trac, les musiciens le connaissent quasi tous, à des degrés divers. Un moteur, mais aussi un handicap quand il devient envahissant, au point que des artistes confirmés cessent de se produire ou que des étudiants avancés quittent prématurément la carrière musicale.

Une réalité psychologique

Le trac, une émotion à la réalité toute physiologique. "Le stress est une réaction face à un danger", explique Donald Glowinski, chercheur au Centre interfacultaire des sciences affectives (CISA) de l'Université de Genève. Qu'il s'agisse d'éviter un tigre ou d'affronter le public d'un concert, les symptômes physiologiques sont les mêmes: "du sang afflue au cœur, son rythme s'accélère de même que la respiration", détaille le scientifique. Toutes choses qui permettent au corps de lutter contre la menace ou de la fuir. Hormis que l'on ne déserte pas une représentation dont on est la tête d'affiche.

Il existe énormément de stratégies, de remèdes: du yoga à l'imagerie mentale en passant par un coaching spécifique ou des cours de posture. Les étudiants doivent essayer plusieurs pistes et trouver ce qui les aide le plus.

Angelika Güsewell, directrice de la recherche à la Haute Ecole de musique Vaud-Valais-Fribourg.

Ce qui distingue le trac du stress, c'est en effet d'être "devant une performance que l'on doit fournir", complète Angelika Güsewell, directrice de la recherche à la Haute Ecole de musique Vaud-Valais-Fribourg. Une obligation de résultat qui unit sportifs et musiciens. Des pensées ou des émotions se superposent par ailleurs aux symptômes physiques du trac.

"Les musiciens évaluent la ‘menace’, continue la psychologue. Celle-ci est plus ou moins grande selon le contexte – un concert important, un examen, un concours d'orchestre – et selon les ressources dont on dispose pour y faire face – la préparation, l'expérience, les souvenirs de situations similaires et de leur issue plus ou moins positive."

Des rituels pour combattre le trac

Que le trac varie suivant l'enjeu du concert, l'artiste valaisanne Sandor en témoigne. Même s'il est chez elle systématique, "une épreuve", il dépend d'où elle chantera et pour quel public.

Pour le Paléo festival de Nyon où elle s'est produite en 2017, "évoquer la date plusieurs mois avant le concert générait déjà une anxiété importante". Pour autant, elle se résigne à la présence du trac, le combat par un rituel: "une heure avant mon entrée en scène, je fais seule ma coiffure, mon maquillage et j'intègre mon personnage de Sandor. Il me donne de la force". A l'inverse, le pianiste et compositeur Daniel Perrin se mêle à la foule, discute avec les spectateurs et rejoint la scène à la dernière minute.

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Au sein des Hautes écoles de musique, la question du trac n'est désormais plus taboue, relate Angelika Güsewell.

La réalité virtuelle à la rescousse

Donald Glowinski, dans le projet V-Cool de la Haute Ecole de musique de Genève et du Centre Interfacultaire en Sciences Affectives (CISA) propose des simulations aux musiciens pour mieux comprendre leur trac.

Il souligne un paradoxe: si les interprètes sont très préparés techniquement, ils ne font que rarement l'expérience du concert et du public. La réalité virtuelle peut pallier ce manque de pratique. "Muni de lunettes et en totale immersion, le musicien joue, s'entraîne devant un public que l'on peut rendre plus antipathique ou plus bienveillant, plus concentré ou plus distrait", détaille le chercheur.

Les artistes s'y laissent prendre. Surtout, ils peuvent revenir sur leur performance et comprendre leurs réactions puisqu'ils sont filmés et bardés de capteurs physiologiques et de mouvement. "Cela permet de se rendre compte que l'on s'est focalisé sur un individu dans le public plutôt qu'un autre, poursuit Donald Glowinski. Le processus met à nu les stratégies d'évitement que vous mettez en place et qui vous empêchent de vivre l'expérience du concert ou de la performance."

Si on ne peut l'éviter, le trac s'apprivoise, se discipline. Et il semble un sujet de plus en plus discuté; ne plus être, pour le musicien, une tare que l'on cache.

Il ne faudrait pas s'en débarrasser, sourit Angelika Güsewell: "c'est un moteur incroyable pour offrir une performance vivante qui touche le public". Sandor renchérit: "mes plus gros tracs ont donné mes meilleurs concerts! Pas question de m'en défaire."

Benoit Perrier/ld

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