Le sage auditorium Stravinski n'en revient pas. Alors qu'il attend le trip-hop en cinémascope des Anglais de Massive Attack, ce sont les Ecossais de Young Fathers qui le happent lundi soir par sa fureur hip-hop. En quarante-cinq minutes chrono, le quartet sidère l'audience par sa puissance, son intensité expérimentale où les dissonances sonores le disputent à l'élégance mélodique.
Dans cette centrifugeuse stupéfiante, hypnotique par moments, rap, soul, punk-rock, électronique se télescopent en une succession de titres percussifs, tour à tour sauvages et félins mais toujours audacieux. C'est The Streets, Roots Manuva et Massive Attack, avec lequel le trio vocal qui a aussi ses origines au Nigéria et Liberia vient de cosigner "Voodoo In My Blood", bien frappé au shaker.
Depuis 2013 et leur prestigieux Mercury Prize qui consacre à la surprise générale les prémices de leur rap expérimental, les Edimbourgeois font ainsi apprivoiser les ténèbres urbaines dans un répertoire mutant où les scansions reines, les beats et percussions martelées figurent à la fois le diable et l'ange, l'angoisse et la fête, la transe et l'exaltation.
Energie sidérante
En attendant de rejoindre Massive Attack plus tard sur scène, les Young Fathers décapsulent principalement les envoûtements de leur récent troisième album "Cocoa Sugar". Une matière en fusion que G (Graham Hastings), Ally (Alloysius Massaquoi) et Kayus Bankole parviennent encore à sublimer en mêlant ou dissociant leurs grains de voix brut et doux, transcendés par des boucles hip-hop, des percussions africaines (sidérant Steven Morrison qui préfère jouer debout sans doute pour faire front avec l'énergie dévastatrice de ses complices) ou des samples soul plutôt séditieux que langoureux.
La courte et compacte plongée dans une urbanité à la fois brumeuse et grinçante des Young Fathers devrait laisser quelques ennivrantes séquelles.
Olivier Horner
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