La révolution initiale n'est d'abord pas celle qu'on attend. Le "Revolution" des Beatles plonge le public de Paléo en 1968, treize ans avant la formation des pionniers de la pop synthétique britannique. Depeche Mode n'est alors pas encore entré en scène mais annonce la teneur de son "Global Spirit Tour" par bande son interposée. La première chanson ouvertement politique des quatre garçons dans le vent faisant ici écho à la conscience sociale et politique affichée par le dernier album en date de l'emblématique trio des eighties perfidement taxé de garçons coiffeurs, le bien nommé "Spirit".
Un quatorzième disque paru l'an dernier dont l'élégance sombre et révoltée peinera pourtant à se dégager de la prestation d'un Depeche Mode en mode remontée du temps façon best of mardi soir, qui aura cruellement manqué d'âme par rapport à celle proposée au même endroit voilà douze ans déjà.
Débuts poussifs
Passé ces préliminaires beatlesiens imaginés par Lennon, le quintet emmené par son tryptique historique composé de Dave Gahan (56 ans), Martin Gore (56 ans) et Andrew Fletcher (57 ans) se montre pourtant dans un premier temps cohérent avec son propos, en s'interrogeant sur la perdition des notions de spiritualité et de révolution via l'un de ses récents titres phares, "Going Backwards".
L'histoire semble alors en marche, à l'image des pieds animés qui s'incrustent sur les trois écrans noirs et grossissent au fur et à mesure en préambule à l'entrée en scène tant attendue des ex-ténors de la new wave. Mais elle fait hélas rapidement du surplace quand Depeche Mode se glisse dans des premiers titres plus démonstratifs et poussifs qu'habités ("It's No Good", une version remixée d'"A Pain That I'm Used To", "Precious", "World in My Eyes", "Cover Me"), où visuels et technologies (des clips illustrant certains morceaux succédant à des images de scène retravaillées simultanément en noir et blanc et technicolor) semblent prendre le pas sur la musique. Sans parler des déhanchements frénétiques accompagnant le chant d'un Dave Gahan qui avait décidé de se métamorphoser en meneur de revue.
Ange blanc et ange noir
Si chacun joue ici son rôle habituel, Gahan en ange noir et Gore en ange blanc, jusqu'aux apparences vestimentaires, la prestation s'enlise dans un faux rythme que les nappes electro lancées par Fletcher du haut de son estrade ne parviennent pas à casser. Malgré le chant ténébreux d'un Dave Gahan qui joue aussi les derviches tourneurs dans son gilet sombre, ce n'est que quand Martin Gore prend les commandes vocales pour la ballade "Somebody" que, étrangement, la prestation plonge dans une autre dimension. La parenthèse sentimentale et plus intimiste amorce alors le crescendo rythmique d'une seconde partie où les tubes du groupe seront lois. Extirpant soudain la foule massée devant la grande scène d'une léthargie inhabituelle.
En enchaînant "Everything Counts", "Stripped", "Personal Jesus" et "Never Let Me Down Again", Depeche Mode se rappelle enfin à nos bons souvenirs. Autant de madeleines proustiennes, solennellement rock ou trivialement dansantes, que les rappels composés de "Walking in My Shoes", "Enjoy the Silence" et "Just Can't Get Enough" parachèvent avec panache et intensité. Il était temps que le démon chasse l'angelot. Quant à la révolution, elle attendra encore un peu.
Olivier Horner
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