Souvent qualifié de tsar de la direction d'orchestre, Valery Gergiev est pour le moins occupé: directeur musical du Théâtre Mariinsky à Saint-Pétersbourg, directeur musical du Philharmonique de Munich, multiples casquettes dans des festivals et au Concours Tchaïkovski de Moscou, concerts dans le monde entier et depuis cette année directeur du Verbier Festival Orchestra.
A ce poste, le chef russe est le digne successeur de James Levine (2000-2008) et Charles Dutoit (2009-2017) et pourrait bien emmener le Verbier Festival Orchestra vers de nouveaux sommets.
Une sélection des meilleurs musiciens
Dans un entretien accordé à la RTS il y a quelques jours à Paris, Valery Gergiev raconte qu'il a rencontré Martin Engstroem, fondateur du Verbier Festival, au début des années 2000.
A cette époque, le chef russe coachait de jeunes chanteurs prometteurs et les faisait connaître sur les scènes du monde entier. Beaucoup de professionnels de l'industrie du disque venaient les écouter et parmi ces professionnels, Martin Engstroem, qui travaillait comme producteur de disques chez Deutsche Grammophon était, selon Gergiev "parmi les plus doués, sensibles et expérimentés".
Le chef d'orchestre russe ne connaissait alors pas le Verbier Festival, mais depuis il s'est bien rattrapé, participant à de nombreuses éditions durant ces quinze dernières années. "Ce qui nous a rassemblé avec Martin, c'est le fait de chercher à sélectionner les meilleurs pianistes, violonistes, violoncellistes ou meilleurs chanteurs de notre temps."
Je n'étais pas un enfant prodigeValery Gergiev
Concernant les motivations qui l'ont poussé à devenir chef d'orchestre, Valery Gergiev avoue que ce qui l'a aidé, "c’est que je n'ai pas pensé faire carrière, je n'ai jamais pensé devenir un musicien célèbre. Je jouais du piano et, quand j’avais 8 ou 9 ans, mon premier professeur a commencé à me parler de direction d'orchestre."
L'artiste russe précise aussi qu'il a beaucoup travaillé pour progresser, qu'il n'était pas un enfant prodige: "J'avais quelques problèmes techniques pour jouer la musique de Mozart ou celle à deux ou trois voix de Bach. Je devais travailler: mes doigts étaient plus ou moins alertes, mais si je répétais, ils obéissaient mieux. Certains enfants prodiges n'ont pas besoin de se chauffer les doigts: ils jouent et c'est bon!"
Valery Gergiev avoue que c'est un événement tragique qui l'a fait entrer véritablement dans la musique: le décès de son père quand il avait 14 ans: "C'était le plus grand choc de ma vie, je me suis totalement focalisé sur la musique, ça a été un tournant, je ne voyais rien d'autre pour l'avenir. Ça m'a aidé à jouer la musique de Beethoven en particulier." Et d'ajouter: "Vu l'état émotionnel dans lequel j’étais après le décès de mon père, Beethoven est devenu mon meilleur ami."
C'est Beethoven qui m'a amené à la direction d’orchestreValery Gergiev
Le chef d'orchestre a commencé à diriger à 15 ans, une année après ce deuil. "C'est Beethoven qui m'a amené à la direction d’orchestre. Parce que Beethoven organise votre pensée, vous mobilise et vous devenez un puissant vecteur d’énergie musicale, vous devenez puissant rythmiquement, structurellement, analytiquement."
Ensuite, le jeune directeur a eu la chance de rencontrer un chef dans sa ville natale qui lui a ouvert de nouvelles perspectives: "Il m'a expliqué quelle est la différence entre une sonate et une symphonie de Beethoven, entre Beethoven et Brahms, ce qu'il faut rechercher dans la musique de Chostakovitch. On a parlé de Prokofiev… Je jouais les partitions des symphonies de Mozart au piano, ce qui n'était pas très simple quand j’avais 15 ou 16 ans. Jouer à partir de la partition d'orchestre et non pas la réduction pour piano. Il y a tant d’instruments sur les portées. Pour moi, c'était comme entrer dans une jungle sans aucune préparation."
Je n’ai pas envie de me féliciter, mais je suis devenu hyper sérieux
Pour Valery Gergiev, "il n’y a aucun moyen de progresser si vous n’êtes pas focalisés sur ce que vous faites et essayez de faire le meilleur. Bien sûr, vous ne pouvez pas être au meilleur de vous-même au départ, mais si vous ne répétez pas, si vous n'êtes pas concentré, vous n'avez aucune chance d'y arriver. Je n'ai pas envie de me féliciter, mais je suis devenu hyper sérieux."
Et le nouveau directeur du Verbier Festival de conclure: "Je ne voulais pas devenir un chef d'orchestre à la célébrité mondiale, mais je voulais me retrouver face à ces nombreuses questions et tenter d'y répondre pour devenir une personne plus forte."
Interview: Julian Sykes
Adaptation web: aq, boi, ab
Un festival de têtes d’affiche
Le quart de siècle du festival de Verbier est l’occasion d’un feu d’artifice rétrospectif. Soirée de toutes les surprises et de tous les superlatifs, le gala du 25 juillet (complet) pourra sans doute figurer au livre des records des têtes d’affiche du classique réunies sur un même podium.
Tous ceux qui ont fait la renommée de Verbier seront sur scène. Gergiev, Pletnev, Argerich, Kissin, Maisky, Capuçon, Repin… en tout 40 stars internationales qui résument l’histoire du festival mais aussi le formidable carnet d’adresse de son directeur et fondateur Martin Engstroem.
Du 19 juillet au 5 août, à raison de trois concerts par jour au minimum, la station valaisanne se transforme en gigantesque agora musicale: les concerts, films, conférences en sont le premier ingrédient mais les fidèles du festival se nourrissent de tous les à-côtés qui complètent cette offre déjà pléthorique. Les cours de maître, les répétitions, les ateliers sont l’une des clés du succès et de l’ambiance de Verbier car contrairement à beaucoup de festivals, les artistes résident généralement plusieurs jours à Verbier, permettant au public de les approcher par d’autres biais que le concert.
La RTS très présente
Partenaire historique du festival, la RTS suit de près l’actualité du festival. Et pour ceux qui ne peuvent s’y rendre, Espace 2 enregistre et diffuse, souvent en direct dès 19h, plus de 20 soirées.
Plusieurs concerts sont également diffusés sur le dimanche matin sur RTS1, à l’enseigne de RTSMusique.