Clara Luciani, le spleen féminin et coup de poing en taille mannequin

Timbre grave pour pop lumineuse aux fatals parfums rétro. En mars dernier, sur la scène de l'Alhambra de Genève lors du festival Voix de Fête, Clara Luciani, 26 ans et dépassant le mètre quatre-vingt, débute pleine d'aplomb et de fragilité la tournée qui accompagne la sortie début avril de son premier album aussi féminin que féministe, "Sainte-Victoire".

Un répertoire où les ruptures amoureuses tiennent le premier rôle et dans lequel les bleus à l'âme se métamorphosent en catharsis explosives. A commencer par "La Grenade", chanson uppercut et étendard radiophonique trouvant un écho salutaire en plein scandale #metoo, qui met en lumière quelques vexations machistes essuyées par la chanteuse française: "Hé toi, qu’est-ce que tu regardes ?/ T’as jamais vu une femme qui se bat ?/ Suis-moi dans la ville blafarde/ Et je te montrerai comme je mords/ Comme j’aboie." Un titre résumant à la fois la force de caractère de cette native de Martigues, dans les Bouches-du-Rhône, et l'esthétique mêlant rock sixties/seventies et pop synthétique que chérit celle qui a été couvée par Benjamin Biolay, a collaboré avec Nouvelle Vague ou La Femme avant d'oser exposer ses plaies dans un projet en solo.

"Chagrin d'amour"

"J'ai toujours eu envie de faire un projet solo, c'est juste que peut-être que je n'avais pas la maturité et que je ne me sentais pas vraiment légitime. Je me disais: mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir raconter toute seule? Et puis j'ai eu une rupture très difficile, de laquelle sont nées de nombreuses chansons et tout à coup, je me suis dit, c'est ça, c'est cette histoire-là que je vais raconter. C'est assez banal un chagrin d'amour, on en vit tous, mais celui-ci avait une intensité suffisante pour qu'il mérite d'être raconté", détaillait-elle à la RTS peu avant la sortie de "Sainte-Victoire".

>> A écouter: interview de Clara Luciani dans Vertigo :

DR - Claudia Revidat

A présent, malgré quelques doutes semble-t-il encore, les mises à nu textuelles de cette admiratrice de singularités et personnalités vocales de la chanson et du rock telles que Françoise Hardy, Nico, Patti Smith et PJ Harvey n'hésitent pas à prendre le maquis. Dans "Drôle d'époque", la chanteuse aux origines corses et siciliennes revient habilement sur les blessures que ses airs de garçonne à l'adolescence, couplée à sa grande taille mannequin et sa voix grave, ont laissé: "Qu'est-ce qu'on va faire de toi ?/Tu marches même pas droit /Tu as l'allure de ton père/Les cheveux en arrière /T’as pas l'air, t’as pas l'air, t’as pas l'air d’une femme/D’une femme".

En onze titres aux mélodies accrocheuses et au spleen diffus, d'où se distinguent encore "On ne meurt pas d'amour" ou "Comme toi", Clara Luciani semble enfin parvenue à rendre belles et addictives ses particularités longtemps pesantes.

Olivier Horner

^{Clara Luciani, Paléo Festival, scène du Détour, à 19h.}

>> A consulter aussi, le dossier suivant l'actualité du 43e Paléo Festival : Orelsan et Lenny Kravitz secouent une soirée humide à Paléo