Eté 1990, tout commence pour MC Solaar. Avec "Bouge de là", single de son premier album "Qui sème le vent récolte le tempo", le rappeur se fait connaître et popularise le rap en France. Venu du Tchad, Claude Honoré M'Barali est arrivé à l'âge de 6 mois en banlieue parisienne. Son nom d'artiste, il le tient de l'époque où il taguait les murs et signait "SOLAAR".
Dès 1993, une carrière internationale s'offre à lui. MC Solaar collabore avec des rappeurs américains et voit sa notoriété dépasser les frontières de la France. En 1994, il retourne en studio pour enregistrer son deuxième album, "Prose combat", qui se vendra à plus de 800'000 exemplaires. S'en suivent "Paradisiaque", "MC Solaar", "Cinquième As", "Mach 6", "Chapitre 7" et, finalement, "Géopoétique" avec lequel le rappeur signe son grand retour.
Revenir pour être un modèle
Insatiable lecteur de journaux, grand amateur de littérature et collectionneur de dictionnaires, le rappeur séduit toujours. Son retour, après 10 ans, les fans l'ont attendu. MC Solaar ne compte pas s'arrêter là.
Je ne pense pas qu'on va attendre longtemps [pour un prochain album]. J'ai redécouvert le plaisir. C'est quand même le meilleur métier du monde.
"Je suis redevenu musicien, au lieu d'être piéton ou lanceur de ricochets", dit l'artiste. Pourtant, ce n'est pas l'envie de dire quelque chose qui a manqué à MC Solaar, mais plutôt "d'être dans quelque chose qu'on aime". La scène, le studio, l'écriture et les rencontres, ce sont toutes les choses pour lesquelles l'artiste a décidé de revenir.
Son retour, MC Solaar le doit aussi à ses enfants et à l'envie qu'il avait d'être un modèle pour eux. "Voir quelqu'un qui ne fait pas grand-chose, qui va juste se cultiver, papillonner, être un causeur, discuter avec des gens, aller dans des studios mais pas pour faire quelque chose", ce quotidien n'était pas suffisant pour lui.
Un artiste pudique
Si MC Solaar met peu de lui dans ses chansons, c'est parce qu'il est pudique, mais surtout parce qu'il préfère parler du monde et de ce qui l'entoure.
Si on parle de soi, ça fait un peu Narcisse, égoïste, égotiste, élément central, l'axe du compas. Je préfère être dans le cercle.
Dans sa musique, le rappeur met "un peu d'humour, l'envie de faire vivre une expérience à ceux qui l'écoutent et, si possible, un peu de récréation, parce que l'enseignement dans la joie est toujours meilleur", dit-il. A travers ses chansons, l'artiste propose une ouverture sur le monde à travers la richesse de ses mots et de ses rimes. L'artiste aime parler de sujets qui touchent, plutôt que parler de lui. Il aime se renseigner, se documenter, se cultiver, lire les journaux et se nourrir de l'actualité pour écrire ses chansons.
Se démarquer dans le rap
Dans les années 90, MC Solaar a été considéré comme "trop intello" par certains rappeurs qui l'accusaient de compromission avec le système. Une étiquette dont il a souffert. Pourtant, il savait qu'il fallait donner au rap un peu plus de noblesse.
C'était quelque chose qui était très important pour moi, d'avoir une respectabilité. Parce qu'on ne peut pas avoir le paradoxe de dire: "on veut s'insérer, mais on ne veut pas de quelque chose". Je sais qu'il faut faire les choses bien.
Aujourd'hui, grâce au temps, MC Solaar est devenu, comme il le dit, "un des quatre points cardinaux", et il ne fait plus attention à ce que l'on peut penser de lui. "Trop intello" pour certains, le rappeur a montré que l'on pouvait faire un rap empreint de culture, de références littéraires, et d'influences variées allant de Rimbaud, à Picasso en passant, évidemment, par Serge Gainsbourg à qui il voue une véritable passion: "j'ai le côté Gainsbourg, mais pas encore le côté Gainsbarre", dit-il.
La victoire des nouveaux rappeurs
Quant à la nouvelle génération, dont font partie Orelsan, Nekfeu, Lomepal, Roméo Elvis et bien d'autres, MC Solaar les trouve excellents. "Ils sont sortis du moule pour mettre leur personnalité en avant, ils existent par eux-mêmes et personne ne leur ressemble. C'est une grande victoire pour eux", explique-t-il. Une nouvelle génération qui reprend certains titres du rappeur. "Ça me fait plaisir. Rien ne se perd, tout se transforme, et quelque fois en mieux", dit-il.
La nouvelle tournée du rappeur démarre en novembre. Il sera de passage le 13 décembre à l'Arena de Genève. Et pour découvrir son 9e album, les fans n'auront pas à attendre 10 ans, puisque le rappeur sait désormais ce qu'il veut faire: "avant je voulais savoir ce que j'étais, maintenant, c'est sûr et certain, quand on a fait que de la musique dans sa vie, on est musicien".
Propos recueillis par Julie Evard
Adaptation web: Lara Donnet