Rossini, prolifique et gourmand

Grand Format

Leemage/AFP - Luisa Ricciarini

Introduction

Son opéra le plus célèbre "Le Barbier de Séville" fait l’objet d’un documentaire diffusé jeudi 15 novembre sur RTS1. Retour sur la vie et la carrière de Gioachino Rossini, disparu il y a 150 ans, le 13 novembre 1868 à Paris. Une épopée burlesque qu’on dirait sortie de l’imagination d’un romancier.

Chapitre 1
Un surdoué pressé et paresseux

L’itinéraire romanesque et la filiation musicale semblent voulus par le destin: c’est un 29 février de l’année bissextile 1792, moins de trois mois après la mort de Mozart, que naît Gioachino à Pesaro, ville du nord de l’Italie au bord de l’Adriatique. Le premier enfant d’un jeune couple modeste, tous deux musiciens honnêtes et francophiles.

Trente-huit ans plus tard, Gioachino sera déjà retraité, ses opéras auront été joués dans toute l’Europe. Et Stendhal aura déjà rédigé sa biographie "Vie de Rossini".

Caricature de Rossini par André Gill pour le journal "La Lune". [Leemage/AFP - MARCELLO MENCARINI]
Caricature de Rossini par André Gill pour le journal "La Lune". [Leemage/AFP - MARCELLO MENCARINI]

Enfant prodige, il pratique le chant et plusieurs instruments, compose à 12 ans ses premières sonates et deux ans plus tard son premier opéra. A 20 ans, il sillonne toute l’Italie du nord, dirigeant et composant ses œuvres à Bologne, Venise et Milan.

Le "personnage" Rossini est déjà celui que la postérité retiendra: hyperactif et paresseux, séducteur et plein d’humour, bon vivant et âpre au gain.

En 1815, il investit Naples, puis Rome, et devient le compositeur le mieux payé d’Italie. Un an plus tard – il n’a pas 24 ans – il dirige à Rome la première de son chef-d’œuvre absolu: "Le Barbier de Séville" d’après la pièce de Beaumarchais, écrit en moins de 2 semaines.

Un fiasco à la création mais aujourd’hui un succès du répertoire lyrique, joué partout dans le monde, s’inscrivant à jamais dans la continuité des "Noces de Figaro" de Mozart, créées 30 ans plus tôt.

Chapitre 2
A la conquête de l'Europe

©Leemage/AFP - ©Leemage

Après le "Barbier", Rossini reprend la plume: "La Cenerentola" (Cendrillon) puis "La gazza ladra" (La pie voleuse) alternent avec des ouvrages sérieux voire grandiloquents, sur des thématiques historiques, tels Mahomet, Moïse ou Cortez, que la postérité oubliera.

En 1822 départ pour Vienne, capitale de l’opéra dans le monde germanique. La création d’un nouvel ouvrage est le but du voyage mais l’histoire retiendra surtout l’improbable rencontre voulue par le roi de l’opéra bouffe avec celui qu’il considère comme un génie absolu: Beethoven.

Rencontre poignante dans une mansarde misérable, dont Rossini sortira bouleversé et encouragé par Beethoven à écrire encore… d’autres "Barbiers" plutôt que de la musique sérieuse.

L'échec de Guillaume Tell

Voyageant de Londres à Rome et de Venise à Paris, Rossini l'Européen finit par se fixer dans la capitale française pour écrire ses premiers opéras français, "Le Comte Ory", "Le Siège de Corinthe", "Moïse et Pharaon". Célébré sur toutes les scènes, présent dans les cercles politiques, il devient Premier compositeur du roi Charles X et directeur du Théâtre des Italiens.

Afin d’asseoir sa notoriété et ses revenus, il négocie ses commandes et ses contrats, obtenant une rente à vie de l'Opéra de Paris. Une institution pour laquelle il écrit ce qui aurait dû être le triomphe d’une vie et qui ne sera qu’un terrible échec: "Guillaume Tell".

Créé à l’été 1829, cette grande fresque met à l’honneur les cantons suisses et le ranz des vaches mais demeure si longue et grandiloquente que seule son ouverture passera à la postérité.

Chapitre 3
Une très longue retraite

Leemage/AFP - Gusman

Epuisé par l’échec de "Guillaume Tell" Rossini, 37 ans, entame la seconde partie de sa vie, qui ne sera, peu ou prou, qu’un long départ à la retraite. Ses opéras disparaissent progressivement de l’affiche au profit de la nouvelle génération des Verdi et Wagner. En 1856, il se fixe définitivement à Paris puis se fait construire un pavillon à Passy.

La maison de Rossini, à Passy, au Bois de Boulogne. [Leemage/AFP - Josse]
La maison de Rossini, à Passy, au Bois de Boulogne. [Leemage/AFP - Josse]

C’est entre la rue de la Chaussée-d’Antin et Passy qu’il vivra, jusqu’au vendredi 13 novembre 1868. Ses rentes lui permettent de confortables revenus, il devient une figure du tout-Paris. Son salon accueille Verdi, Wagner, Liszt, Gounod, Dumas, Delacroix et les plus belles cantatrices du moment. Sa cuisine est aussi sollicitée. C’est avec des grands chefs parisiens de l’époque qu’il met au point quelques recettes de cuisine dont le célèbre "tournedos Rossini", composé de foie gras.

Durant cette longue retraite, plus un seul opéra mais plus de 150 pièces pour piano, voix, ensembles divers baptisés par Rossini lui-même "Péchés de vieillesse". Des pièces souvent inspirées, parfois anecdotiques, des titres d’œuvres qui semblent annoncer Erik Satie ou le surréalisme ("Prélude convulsif", "Etude asthmatique", "Musique anodine" ou "Valse torturée").

<< A écouter, un extrait de la Petite Messe solennelle, par l'Accademia Vocale di Livorno, dirigé par Daniela Contessi:

Le chef-d’œuvre de ces recueils et de cette dernière période est la "Petite messe solennelle" pour 12 chanteurs, 2 pianos et un harmonium, qu’il adresse au bon Dieu en la décrivant comme "le dernier péché mortel de mon grand âge".

Une œuvre qui résume en grande partie le talent de Rossini: une imagination débordante, un métier rigoureux, un sens de la vocalité incomparable. Durant plus d’un demi-siècle il aura été le plus grand compositeur italien, une figure admirée et jouée dans toute l’Europe.

Chapitre 4
Un Barbier tessinois

RTSI

Dans la foulée des commémorations liées au 150e anniversaire de la disparition de Rossini, la RSI (Radiotélévision suisse italienne) vient de réaliser un documentaire sur une série de représentations du "Barbier de Séville" données en septembre à Lugano.

<< A écouter, un enregistrement RSI du 3 septembre 2018 du "Barbier de Séville": Gioachino Rossini : Le Barbier de Séville, opéra comique en 2 actes au Lac de Lugano

Dans la salle de concert du LAC (le tout récent centre culturel Lugano Arte e Culture), le Tessin a renoué avec la mise en scène d’opéra, confiant cette relecture du "Barbier de Séville" au chef suisse Diego Fasolis.

Le musicien a complètement retravaillé le chef-d’œuvre de Rossini pour lui donner la verdeur d’un opéra issu du 18 siècle, en plaçant dans la fosse l’ensemble "I Barocchisti" jouant sur instruments d’époque. Ce "Barbier" magnifiquement dépoussiéré a été diffusé samedi dernier sur Espace 2.

Il fera l’objet d’un documentaire diffusé jeudi soir sur RTS1, qui raconte les répétitions, les coulisses de cette production exceptionnelle. Il peut déjà être visionné, en langue originale, ici.