Pendant des heures, Leva Nagyte, jeune universitaire, a sillonné Vilnius sur les traces de la série "Chernobyl". Du quartier de Fabijoniskes, lieu de la scène de l’évacuation, elle est passée par l’Université, transformée en Palais de justice. Elle a continué par un bâtiment de type soviétique du Ministère de l’Intérieur devenu dans la série l’hôtel de Pripiat, ville située à côté de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine.
"Tout ce qu’on a vu dans la série s’éclaire sous un nouveau jour. Les guides nous racontent aussi les coulisses du tournage. C’est très intéressant de percer un peu ses secrets" confie la jeune femme.
>> A lire : "Chernobyl", la mini-série dont on ne sort pas indemne
Lors de sa sortie sur les écrans en mai, la série "Chernobyl" a tout de suite fait un carton. Le bureau du film de Vilnius qui s’occupe des tournages dans la capitale lituanienne a rapidement repéré le potentiel touristique.
Sa directrice Jurate Pazikaite raconte: "Avec l’Office du tourisme de la ville de Vilnius, nous avons présenté aux agences de tourisme les lieux de tournage. Dans la série "Chernobyl", ce n’est vraiment pas la plus belle facette de la ville qui est mise en avant. Mais c’est aussi un moyen de montrer que Vilnius est une ville très diverse. Nous avons vécu la période soviétique et l’architecture de ces années subsiste".
De plus en plus de touristes
Chaque année, la Lituanie reçoit de plus en plus de touristes. 2,8 millions de nuitées en 2018. Linas Marcisauskas, qui loue sur une grande plateforme de réservation l’appartement de ses grands-parents resté intact dans le quartier de Fabijoniskes, a pu assister au tournage de la série.
Pour lui, il est désormais temps de montrer autre chose que le Vilnius baroque et la vieille ville: "Je pense qu’il est nécessaire de distinguer le design de l’époque de la politique, la vie des gens du système. C’est très intéressant de faire un tour dans les banlieues dites soviétiques. D’aller par exemple à Lazdynai et de comprendre pourquoi ce quartier était présenter comme un quartier modèle dans toute l’Union soviétique"
>> A lire également : Le succès de la série "Chernobyl" fait naître un tourisme malsain
Une leçon d'histoire vivante
Vilija Malinauskaite qui dirige Feel the city, a également remarqué le potentiel du cinéma sur le tourisme. "Les Japonais ont tourné un film il y a deux ans appelé "Persona non grata" qui relate l’histoire de Sugihara, l’ambassadeur japonais en Lituanie à Kaunas qui a délivré plus de 6'000 visas aux Juifs pour les sauver de l’Holocauste. Je suis quasiment sûre que les Lituaniens ne l’ont pas vu, mais il est très populaire au Japon, et aujourd’hui les Japonais viennent voir cette ville".
Après le succès de la série "Guerre et Paix" filmée par la BBC en 2016 d’après le roman de Tolstoï, l’office du tourisme lituanien a même édité un petit guide, "Vilnius en cinéma".
Lina Duseviciene, guide dans Vilnius, explique que le 7e art est toujours une bonne accroche: "Intéresser les touristes à l’histoire ancienne de la Lituanie est toujours quelque chose de compliqué, surtout si les gens ne viennent pas d’Europe. Ils ne connaissent pas le contexte de notre histoire. Mais avec les films, cela est plus facile. Avec "Guerre et paix", on peut parler de Napoléon. On peut parler de l’histoire de la résistance soviétique via la série 'Les Insurgés'".
Le cinéma devient une leçon d’histoire illustrée
Si la majorité des séries tournées en Lituanie sont uniquement du divertissement, certaines comme "Chernobyl" font également réfléchir. Un sujet qui résonne en Lituanie. La Biélorussie construit une centrale nucléaire à quelques dizaines de kilomètres de Vilnius. Elle devrait être lancée dans les prochains mois.
Les craintes d’une nouvelle catastrophe sont fortes, au vu de l’opacité qui entoure cette construction.
Reportage radio: Marielle Vitureau
Adaptation web: aq
A Madrid, les géants des séries font bouillonner les producteurs
Netflix, Paramount, Mediapro... les grands producteurs audiovisuels s'enracinent les uns après les autres à Madrid, nouvelle capitale européenne des séries grâce au succès de fictions espagnoles comme "La Casa de Papel" qui a crevé l'écran.
Le nouveau statut de Madrid comme plaque tournante de la production de séries est devenu flagrant avec l'arrivée de Netflix, qui a inauguré en avril ses premiers studios européens à Tres Cantos, en banlieue nord de la capitale espagnole. C'est dans cet immense complexe de 22'000 mètres carrés appartenant au groupe espagnol Secuoya, qu'a été tournée la troisième saison de "La Casa de Papel", disponible depuis le 19 juillet.
Et le succès d'autres séries comme "Elite", sur la jeunesse dorée madrilène, a remobilisé des producteurs espagnols qui voyaient leurs séries comme "un produit de seconde zone". "Voir soudainement un contenu espagnol associé à une marque aussi puissante que Netflix lui donne une image beaucoup plus cool que quand il est diffusé par Antena3", souligne Elena Neira, spécialiste des nouveaux modèles audiovisuels à l'Université ouverte de Catalogne
Selon un rapport de PricewaterhouseCoopers (PwC), la production de séries a vu sa contribution au PIB espagnol passer de 429 millions d'euros en 2015, avec 38 séries produites, à 655 millions (58 séries) en 2018. Et PwC estime que son potentiel de croissance est d'encore 24%. Selon le cabinet, le nombre d'emplois directs et indirects pourrait passer de moins de 10'000 en 2015 à plus de 18'000 à terme.
afp