A la fin de la Seconde Guerre mondiale, en plein renouveau du rêve américain, une nouvelle génération se rue aux grilles d'Hollywood dans l'espoir de devenir star. Parmi ces aspirants à la gloire, le cinéaste d'origine philippine Raymond Ainsley et sa compagne Camille Washington, une jeune comédienne métisse. Le couple rêve de changer les codes en vigueur pour faire une oeuvre révolutionnaire. Quand les amoureux croisent le chemin d'Archie Coleman, un scénariste gay afro-américain, ils vont oser aller à l'encontre des dictats imposés par les studios. Ensemble, et avec une troupe d'amis, ils vont essayer de changer le monde en changeant le cinéma.
Mini-série en sept épisodes de Ryan Murphy, "Hollywood" propose une vision alternative de l'âge d'or hollywoodien, en offrant une visibilité inédite aux "oubliés" du cinéma des années d'après-guerre, minorités ethniques, sexuelles et de genre, tout en restant une grande déclaration d'amour au cinéma, dont il emprunte tous les leviers: comédie, danse, rêve, burlesque, mélodrame, émotion. Les critiques de "Vertigo", Anne-Laure Gannac, Antoine Bal et Aimée Papageorgiou, ont tous pris du plaisir - certains avec bémols - à suivre les aventures de ces jeunes gens ambitieux et idéalistes qui rêvent de se hisser tout en haut pour un monde meilleur.
Et si....
Que se serait-il passé si Rock Hudson avait fait son coming out après la guerre? Si les femmes avaient détenu les studios? Et si un scénariste noir avait pu signer de son nom un scénario? Toute la série se déroule avec ce type de questions qui interrogent le passé pour mieux sonder le présent.
C'est très rythmé, jazzy, pétillant, d'un optimisme contagieux. Ici, on garde le meilleur d'Hollywood et on réécrit le pire.
La série mélange avec euphorie faits réels et inventés, personnages ayant réellement existé (Rock Hudson, George Cukor, Vivien Leigh etc.) et purs personnages de fiction. C'est ainsi que "Hollywood" ressuscite autant les parties fines autour de la piscine du réalisateur George Cukor qu'il imagine ce que serait devenue une Cérémonie des Oscars avec une statuette remise à une actrice noire dans un premier rôle. La série va jusqu'à changer le destin de l'actrice chinoise Anna May Wong, qui fut broyée par le système.
Face obscure
"Hollywood" n'en oublie pas pour autant le sexe, la prostitution, le harcèlement, les humiliations physiques et morales associés à cet âge d'or. Si Hollywood a le pouvoir du rêve, il a aussi celui de l'argent. Avant d'avoir son nom en grosses lettres sur une affiche, il convient de passer par la station-service tenue par Ernie qui offre tous les services au gratin d'Hollywood avec son écurie de beaux garçons. Si Ernie n'a pas réellement existé, il est inspiré par Scotty Bowers, un ex-marine qui rêvait d'être acteur mais qui a oeuvré dans les années 1940 en tant que proxénète, comme il le raconte dans son autobiographie "Full Service".
Le harcèlement sexuel y est aussi montré, notamment par un producteur qui n'est pas sans rappeler Harvey Weinstein, tout comme la cruauté d'un système qui n'admet pas la diversité, trop occupé à façonner le monde à son image. Mais comme toujours avec Ryan Murphy, les choses les plus graves sont traitées avec allégresse et humour.
C'est du très grand art, une série fabuleuse, un enchantement, un moment de grâce.
Happy end paradoxal
Si la première moitié est follement entraînante et réserve de nombreuses surprises ou trouvailles visuelles, la seconde partie prend le risque d'un certain ridicule, avec son "trop de happy end tue le happy end", même les méchants finissent par devenir gentils, convaincus par une cause qu'ils n'ont cessé de bafouer.
Il y a un trop plein de bons sentiments qui finit par réduire les personnages à des figures de carton-pâtes. J'aime bien la série mais ce qui m'a manqué, ce sont les aspérités.
Pour Anne-Laure Gannac, cette vision optimiste est à lire avec une certaine réserve puisque septante ans plus tard, on n'en est même pas encore là. "Vous ressentez alors, comme spectateur, tout le sens tragique de ce happy end".
Sujet proposé dans "Vertigo"
Texte et adaptation web: Marie-Claude Martin