Nous sommes au cœur de Brooklyn, avec des bâtiments de briques rouges, des personnages vêtus à la mode des années 1940, des visages barbus encadrés de papillotes et surmontés d’un chapeau noir. Les femmes, en jupe longue, sont entourées d’enfants. Et tous parlent yiddish.
Tel est le décor toujours actuel de la communauté Satmar formée de juifs ultra-orthodoxes dans laquelle évolue la jeune Esty qui, après un mariage arrangé malheureux, s’enfuit pour Berlin où habite sa mère. Ce récit d’une série en quatre épisodes s’inspire largement de l’histoire d’une Américano-allemande, Deborah Feldman, qui a d’ailleurs écrit son autobiographie.
La liberté menacée
Selon François Garaï, rabbin de la communauté juive libérale de Genève, le succès de la série tient à trois éléments différents: la mise en scène est d’abord remarquable; il y a ensuite cet intérêt pour des milieux sectaires qui évoluent en vase clos et dont on ne sait rien ou quasiment rien; mais c’est finalement et sans doute surtout le fait que le scénario parle de la liberté humaine qui attire. Cette liberté menacée lorsque l'on évolue dans un groupe fermé, qui édicte ses règles et où l’individualité n’a aucune place.
Selon le rabbin, ce genre de communautés est assimilable à des sectes qui fonctionnent en autarcie et qui résonnent de façon binaire: à l’intérieur du groupe, on est dans le vrai, le pur. Mais il faut se méfier du monde extérieur, par définition hostile et mauvais.
Pas le droit de douter
L’intérêt de cette série réside surtout dans la compréhension plus fine des rouages de groupes religieux mais aussi politiques, qui mettent à mal la liberté de pensée et d’autodétermination. Selon François Garaï, il y a des parallèles à tirer entre cette communauté Satmar et certains populismes actuels qui ne laissent pas de place à d’autre parole que la leur. Et pas d'espace non plus pour le doute, ce qui est d’ailleurs l’une des caractéristiques de tout fanatisme. Mais pour le rabbin Garaï, c’est aussi l’absence de prise en compte de tout affect émotionnel qui frappe. Et qui attriste.
Gabrielle Desarzens/mh
"Unorthodox", à découvrir sur Netflix. La série doit être traduite en français cet été.
A voir également sur Netflix: "L'Un des nôtres", un documentaire sur trois Juifs hassidiques qui tentent de quitter leur communauté