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Des séries policières déprogrammées suite au meurtre de George Floyd

La série "Cops" a été arrêtée suite aux manifestations dénonçant les violences policières ayant coûté la vie à George Floyd. [AFP - Bryan R. Smith]
Lʹaffaire George Floyd influence la programmation TV aux Etats-Unis / Vertigo / 6 min. / le 10 juin 2020
En deux semaines, il est devenu inconcevable de montrer à la télévision des scènes de divertissement qui pourraient rappeler de près ou de loin celle de la mort de George Floyd. La série de télé-réalité américaine "Cops" s'est ainsi vue déprogrammée.

La série américaine controversée de télé-réalité "Cops", à l'antenne depuis plus de trente ans, a été déprogrammée par la chaîne Paramount Network, en pleine vague de protestation contre les violences policières. La chaîne a confirmé à plusieurs médias américains que le programme ne figurait plus dans la grille et qu'il n'était "pas prévu qu'il y revienne".

Depuis 1989, "Cops" accompagne sur le terrain des policiers, filmés principalement lors d'interpellations mouvementées. L'émission a été régulièrement critiquée, notamment pour avoir exagéré l'importance de la délinquance aux Etats-Unis. Elle a aussi été accusée par l'association Color of Change de montrer des interpellations de suspects issus de minorités dans des proportions qui ne correspondaient pas à la réalité.

Sous la pression de cette campagne, le diffuseur historique de "Cops", la chaîne Fox, avait renoncé à le programmer, en 2013. L'émission avait été reprise par la chaîne câblée Spike TV, rebaptisée Paramount Network en 2018. Mardi, l'association Color of Change a annoncé la déprogrammation de l'émission par Paramount Network.

Stop aux violences policières

Partout dans le monde suite au meurtre de George Floyd, des manifestations demandent que cessent les violences policières. "Cops" n'est pas la seule série impactée par les événements récents: la sortie de la deuxième saison des aventures des deux inspectrices de "Los Angeles: Bad Girls" est repoussée. Tandis que le film "Autant en emporte le vent", qualifié par certains historiens de révisionniste et raciste, a été retiré de la plateforme de streaming HBO Max.

En deux semaines à peine, il est devenu inconcevable de montrer à la télévision des scènes de divertissement qui pourraient rappeler de près ou de loin celle de la mort de George Floyd. Une scène qualifiée de "surréaliste" par Frédéric Maillard, analyste des pratiques policières.

On voit un flic ripou, du haut de sa certitude, en toute désinvolture, commettre un crime sous les yeux d'une caméra. C'est soudain un policier qui, dans le cinéma, se cachait pour commettre de telles exactions, aujourd'hui les produits à ciel ouvert. C'est complètement déconcertant, inquiétant, et pour cela, il me semble qu'une nouvelle dimension cinématographique est née avec ce tragique événement.

Frédéric Maillard, analyste des pratiques policières

Pour Frédéric Maillard, c'est la caméra qui dénonce désormais le crime et plus la police: "[...] c'est la caméra qui devient héroïque et qui devient l'acte policier. Par défaut d'intégrité, le policier en fonction destitue la police et c'est l'objet qui récupère la vertu policière qui est de dénoncer le crime".

L'évolution de l'image du flic à l'écran

Jusque dans les années 1950-1960, le code d'autorégulation d'Hollywood, le code Hays, prohibait la victoire des méchants et forçait les studios à montrer une image positive de la police. Place ensuite aux années de contestation. L'Amérique descend dans la rue pour les droits civiques, notamment. Si la liberté prime sur la sécurité, la délinquance augmente. Le président Richard Nixon mise alors sur la politique du "Law and Order", loi et ordre. Cela se traduit dans les années 1970 au cinéma par le personnage de "Dirty Harry", incarné par Clint Eastwood.

Cela va se refléter dans les séries américaines et dans les films, notamment dans "L'Inspecteur Harry" qui ne respecte pas les procédures, qui tue des détenus alors qu'il aurait pu simplement les arrêter. Il y a une sorte de message qui dit: "tout est permis s'il faut arrêter un délinquant".

Marcello Aebi, vice-directeur de l'école des sciences criminelles de l'Université de Lausanne

La société américaine est une société dans laquelle la violence est omniprésente, rappelle Marcello Aebi, vice-directeur de l'école des sciences criminelles de l'Université de Lausanne où il donne notamment le cours "Criminologie et cinéma". Deuxième Guerre mondiale, Guerre de Corée, Vietnam, les séries et les films reflètent en partie cette violence.

Après la censure du code Hays, et après "L'Inspecteur Harry", c'est l'image d'une police apaisée que l'on voit sur les écrans dès la fin des années 1990. La police des experts scientifiques qui respecte les procédures par exemple. La gerbe est finalement nouée en 2006 avec "Life on Mars". L'histoire de Sam Tyler, commissaire à Manchester, renversé accidentellement par une voiture en 2006 et qui se réveille en 1973.

Les aventures de ce policier moderne catapulté en 1973 sont censées montrer que les méthodes policières ont changé. L'actualité prouve toutefois le contraire ces derniers jours.

Sujet radio: Antoine Droux

Adaptation web: Lara Donnet

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