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"Kidnapping", une série sous forme de thriller venu du froid

"Kidnapping" réunit Anders W. Berthelsen et Charlotte Rampling dans les rôles de Rolf Larsen et Claire Bobin. [Nordisk Film Production – ARTE France]
"Kidnapping", parentalité et génétique sont dans un bateau… / Six heures - Neuf heures, le samedi / 6 min. / le 31 octobre 2020
Les thèmes de la parentalité, de la légitimité génétique et de l’adoption sont au cœur de la série franco-danoise "Kidnapping". Et pour une fois, cette coproduction européenne signée Torleif Hoppe ("The Killing") épouse le scénario avec une pertinence aiguë.

"Kidnapping", intense polar signé Torleif Hoppe ("The Killing"), réunit notamment à l’écran Charlotte Rampling et Anders W. Berthelsen.

Copenhague. La police vient d’être informée de l'enlèvement de Minna, une petite fille de onze mois. Comme toujours dans les cas d’enlèvement, c’est d’abord envers la famille que les premiers soupçons se fondent et c’est dans ce cercle familial que la police investigue en priorité.

Le schéma est tellement évident qu’il se confond avec un panneau, dans lequel les flics tombent inévitablement: le père et la mère sont séparés, elle est danoise, il est iranien réfugié et va bientôt devoir retourner en Iran. Pour les enquêteurs, c’est cousu de fil blanc: papa a enlevé fifille pour l’emmener à tout jamais dans son lointain pays. Point, barre. Sauf qu’il n’y a pas plus de barre que de point.

De l’évidence à l’erreur

Interprété par Anders W. Berthelsen, qui jouait déjà un flic dans la troisième saison de la version tant originale que danoise de "The Killing", l’inspecteur Rolf Larsen, qui vient lui aussi d’avoir une petite fille, n’est pas convaincu par le plan de l'enlèvement parental. Un seul interrogatoire avec ledit papa suffit pour le convaincre que ce n’est pas lui le coupable. Et ses collègues, comme ses supérieur.e.s hiérarchiques, de le regarder alors avec cet air navré et condescendant qu’on réserve à celles et ceux qu’on prend pour de gentils dingues inoffensifs. Ce n’est rien de dire que l’inspecteur Rolf Larsen n'y accorde aucune importance.

Rolf Larsen (Anders W. Berthelsen) dans "Kidnapping". [Nordisk Film Production – ARTE France - Henrik Ohsten]
Rolf Larsen (Anders W. Berthelsen) dans "Kidnapping". [Nordisk Film Production – ARTE France - Henrik Ohsten]

Preuves vs instinct

Il s’intéresse aux indices laissés par le ravisseur – ou la ravisseuse – sur la scène de crime et une piste se dessine, qui conduit vers la Pologne. Il décide donc de s’y rendre pour poursuivre l’enquête. Comme son épouse doit se rendre en Angleterre pour une formation, l’inspecteur Rolf Larsen a charge et fonction de baby-sitter. Il décide d’embarquer poupon et landau sur le ferry, malgré une météo pourrie comme on sait en tricoter dans les pays nordiques.

A la dernière minute, un collègue bien intentionné décide de l’accompagner et pendant le repas bien secoué, Rolf Larsen doit impérativement sortir prendre l’air sur une coursive. Il emmène sa fille, bien emmitouflée dans sa poussette, mais pris d’un spasme gastrique pour cause de roulis-tangage, il se précipite aux cabinets. Quand il revient, la poussette a dégringolé l’escalier jusqu’à la coursive du dessous et bien sûr, elle est vide!

Thriller et drame social

Cinq ans après la disparition de leur fille, qui n’a pas été retrouvée, l’inspecteur Larsen et sa femme ont fini par se séparer. Au cours d’une enquête, à cause du meurtre d’une jeune Danoise en France, l’analyse de l’ADN du suspect bouleverse la police danoise, qui réalise que le fichier national des profils ADN contient des failles qui permettent à Rolf Larsen de rouvrir l'enquête sur la disparition de Minna. Et, même si on lui fait bien comprendre qu’il ne faut pas mélanger son "affaire personnelle" avec l’enquête en cours, l’inspecteur caresse évidemment l’espoir de retrouver sa propre fille.

Le titre anglais de la série, "DNA", ADN pour nous francophones, paraît plus pertinent que "Kidnapping" quant au thème majeur de la série, à savoir l’opposition entre la génétique et la parentalité, l’opposition entre liens biologiques et liens affectifs. La série propose une intelligente réflexion à ce propos, certes un peu sur le mode de la parabole biblique, mais ce n’est peut-être pas un hasard.

Au nom de Dieu

L’enquête se dirige vers la Pologne où une partie de l’énigme de la série se cache dans un couvent tenu par des sœurs catholiques intégristes. Comme par un fait exprès, l’actualité polonaise va dernièrement dans ce sens en ce qui concerne l’avortement. Dans ce couvent la mission des religieuses consiste à venir en aide aux jeunes filles seules et enceintes, mais étrangement, le taux de mortalité des nourrissons est extrêmement élevé.

Claire Bobin (Charlotte Rampling) dans la série "Kidnapping". [Nordisk Film Production – ARTE France]
Claire Bobin (Charlotte Rampling) dans la série "Kidnapping". [Nordisk Film Production – ARTE France]

En réalité, on s’en doute, ces ignobles "femmes de Dieu", qui ont toujours sa parole à la bouche, sont aussi corrompues que malfaisantes et pratiquent un lucratif trafic d’enfants pour l’adoption dans toute l’Europe, notamment en France.

La commissaire Claire Bobin (Charlotte Rampling) rejoint d’ailleurs l’enquête dès le troisième épisode, et il faut reconnaître que coproduction et scénario font très bon ménage: rien n’est forcé, tout est vraisemblable. Même si le très léger accent de Charlotte Rampling nous inclinerait à penser qu’elle bosse plutôt à Scotland Yard!

Pascal Bernheim/mh

"Kidnapping", à voir sur arte.tv (VF et VOSTFR). Les huit épisodes sont disponibles jusqu’au 6 novembre.

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