Emily Cooper, une jeune Américaine spécialiste en marketing digital envoyée dans la capitale française pour doper l'image d'une société de marketing, arpente les rues d'un Paris idéalisé. Elle s'affiche dans des tenues colorées, sur des stilettos toujours plus hauts et sans difficultés dans les rues pavées de la ville. De quoi agacer bien des journalistes français qui se sont empressés de pointer les clichés véhiculés par la série.
"Les Français y sont hâbleurs, fumeurs, dragueurs, mangeurs, pour l'un restaurateur, french-lover, mais pas Instagrameur. La capitale se résume aux Jardins du Luxembourg, à l'Opéra, la Tour Eiffel, Montmartre... L'héroïne ose le béret et vit dans une chambre de bonne qui m'a l'air de faire un bon 50m2", disait le journaliste Nicolas Demorand sur France Inter le 9 octobre dernier.
Une chambre de bonne grand luxe, un voisin charmeur, des collègues ouvertement détestables et qui n'ont que faire du point de vue "américain" sur leur travail qu'espère apporter Emily. Son style, sa façon de parler "à l'américaine" en privilégiant le partage, son enthousiasme, se heurtent à un mur.
Echo américain des critiques françaises
"Ridicule la réaction française à 'Emily in Paris'", a pour sa part titré Le New York Times. L'auteure de cet article, Elaine Sciolino, a écrit un autre texte dans lequel elle fait part de sa propre expérience d'Américaine expatriée à Paris depuis plusieurs décennies. Pour elle, certains clichés n'en sont pas. On reproche notamment à Emily de crier à une réunion de travail, or pour Elaine Sciolino, c'est vrai que les Américains ont tendance à parler plus fort que les Français. On reproche à Emily de sourire tout le temps. Là encore, pour la journaliste, c'est un fait, les Américains sont souriants, et ces derniers trouvent les Français impolis, car ils ne sourient jamais.
La plus terrible illustration de cette incompréhension, Elaine Sciolino la raconte avec une anecdote: la journaliste américaine a interviewé le président Valéry Giscard d'Estaing. Lors de cette interview, elle lui demande d'imaginer qu'il dîne avec des Américains qui lui demanderaient de leur expliquer comment comprendre la France. L'ancien Président de la République, âgé de 94 ans, a répondu: "Vous ne pouvez pas. Je n'ai jamais rencontré un Américain, jamais, qui ait vraiment compris ce qui anime la société française". Terrible fossé et mépris de l'Ancien Monde sophistiqué face au nouveau: l'Américain ignorant.
Un fossé jamais comblé
Nicole Bacharan est historienne, spécialiste de civilisation américaine. Issue d'une famille franco-américaine, elle a vécu aux Etats-Unis une grande partie de sa vie. Ces clichés, ce fossé, elle les connaît très bien. "Quand je me suis réinstallée en France, j'ai compris assez vite que mon attitude était trop emphatique, que je souriais trop, que 'j'en faisais trop' comme on dit en France." Les Français reprochent aux Américains d'être hypocrites. Nicole Bacharan le réfute: "Ils ne sont pas hypocrites, ils ont des codes de communications différents".
Pour l'historienne, la série est très amusante, mais elle n'est pas à prendre au premier degré. "Elle joue avec les clichés. Evidemment".
Sujet radio: Blandine Levite
Adaptation web: Lara Donnet