La marque de fabrique de cette série écrite et tournée alors que le monde se calfeutrait, tant bien que mal, à la maison, ce sont les images qui nous relient directement aux écrans partagés de nos vidéos, de nos réseaux sociaux, ceux de nos avatars en ligne et de nos maisons connectées.
Ainsi, on s'invite à des funérailles par des webcams interposées, on suit un couple qui cherche à pimenter sa "captivité", on assiste aux questionnements existentiels de retraités, ou aux affres d'un alcoolique anonyme qui vient de se faire plaquer et qui participe à des séances de groupe en ligne.
Survie sociale grâce aux écrans
La série est intéressante à plus d'un titre, et pas seulement parce que le spectre d'un nouveau confinement plane à nouveau sur nos têtes. C'est une des premières fictions d'ampleur internationale qui reflète notre nouvelle réalité et raconte comment on "s'arrange" pour survivre socialement, via les technologies numériques. Le format des épisodes est court, une vingtaine de minutes, ce qui permet de varier les points de vue. Cela fait presque oublier ce dispositif de tournage type vidéo-conférence. La série reflète ainsi la refonte de nos habitudes sociales à la lumière de la pandémie.
Mireille Berton, de la section histoire et esthétique du cinéma de l'Université de Lausanne, a vu venir, avant la diffusion de la série, cette tendance. L'historienne imagine déjà l'impact que la période angoissante actuelle aura sur les fictions de ces prochaines années sur grands et petits écrans. C'est justement l'idée de revalorisation de nos liens sociaux qui est au coeur de "Social Distance".
La pandémie, sujet idéal pour la fiction
D'ici quelques années, Mireille Berton imagine aussi des productions davantage axées sur la peur, des dystopies, des films catastrophes ou des séries d'horreur inspirées du coronavirus.
La pandémie actuelle réunit tous les ingrédients de l'écriture sérielle: le virus peut être ce personnage principal qui peut traverser les épisodes, sorte d'entité centrale, mystérieuse, invisible et insaisissable, ou encore les rapports entre les savants et le pouvoir, les pouvoirs publics et la population. Il y a de nombreuses quêtes, la recherche de boucs-émissaires et... la fin, qui demeure inconnue.
La pandémie fournit un excellent script de série télévisée, puisqu'elle est propice à la tension narrative.
Selon elle, la pandémie est un exemple parfait de tension narrative, à savoir "un sentiment d'incertitude anticipatrice face à un récit inachevé". Pour les téléspectatrices et téléspectateurs, le COVID-19 génère à la fois suspense, curiosité et surprise.
Antoine Droux/mcc