Disponible sur Netflix, "Masum" vient s'ajouter aux nombreuses productions turques qui intéressent de plus en plus les plateformes internationales, faisant de ce pays le deuxième exportateur de séries dans le monde derrière les USA. Avec pour décor une paisible ville de campagne, elle suit un officier à la retraite et sa famille entraînés dans une affaire de meurtre nourrie de sombres secrets.
Un accident troublant
Cevdet, policier stambouliote à la retraite, a quitté la capitale en compagnie de sa femme, Nermin, pour aller s'installer dans une maison de campagne proche du bord de mer. Le couple ronge son chagrin après la disparition de son fils aîné, Taner, dont la voiture a plongé dans la mer. Mais le corps de Taner n’était pas dans le véhicule. En revanche, sur le siège du passager, encore attachée par sa ceinture de sécurité, se trouvait Emel, l’épouse de Tarik, le frère cadet de Taner.
Le décor est posé: un accident aux circonstances troubles, un présumé mort pour l’instant disparu, une femme décédée et des parents éplorés. Ajoutez un flic quarantenaire déprimé qui vient fouiner là-dedans et vous avez toues les bases d'un polar. Mais un bon scénario ne saurait se contenter d’un incipit aussi banal.
Un cerveau troublé
Passé ce début classique, les spectatrices et les spectateurs comprennent rapidement qu’il se passe quelque chose de grave et de bien plus complexe, quelque chose protégé par un secret: Tarik, le frère cadet, perd la raison.
C'est là que réside l’intérêt central de "Masum", dans la position adoptée par les parents, les amis et les proches face à une personne qui se met à déraper. La solidarité va-t-elle d’abord se révéler pertinente ou totalement à côté de la plaque?
Un miroir trouble
Les histoires parallèles du récit entretiennent un lien plus ou moins direct avec l’intrigue principale. Dans une sorte de résonance allant du rapprochement à la similitude presque parfaite, elles opèrent un effet de miroir qui apporte une plus-value au propos central, à l’universalité supposée des rapports humains et de nos attitudes sociales.
En ce sens, le scénario de "Masum", signé Berkun Oya, également au générique de la série "Bir Baskadir", est d'une grande finesse, sans compromis, abusant parfois du flash-back, la longueur de la barbe des protagonistes masculins venant à notre secours en tant que marque temporelle.
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La réalisation de Seren Yüce va dans le même sens. Elle cherche à nous faire appréhender la réalité d’un point de vue non conventionnel, comme l'ouverture du troisième épisode qui donne à la fois dans le délire d’un ballet imaginaire, dans la sucrerie sans guimauve et dans l’identité sexuelle.
La distribution est exceptionnelle. Les actrices et les acteurs sont d’une justesse rare, leur interprétation servant à chaque instant le thème évoqué par le titre de la série, "Masum" signifiant "innocence" en turc. Enfin, la musique composée par Okan Kayan rythme la narration autant que le montage tout en se jouant de nos sentiments.
Pascal Bernheim/sb
La série "Masum" (VOSTFR) est à voir sur la plateforme Netflix.