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L'escroc, une figure que le public adore détester à l'écran

Entre séries et documentaires, la figure de l'escroc fascine sur les plateformes de streaming
Entre séries et documentaires, la figure de l'escroc fascine sur les plateformes de streaming / 19h30 / 2 min. / le 1 mars 2022
De "L'arnaqueur de Tinder" à "Inventing Anna", en passant par "Le serpent" ou "Les rois de l'arnaque", les séries et les documentaires consacrés aux escrocs font un carton sur les plateformes de streaming.

Une fausse héritière allemande qui mène le beau monde et les banques en bateau ("Inventing Anna", Netflix, 2022) ou un faux gentleman millionnaire qui extorque de l'argent à ses nombreuses conquêtes en se prétendant traqué par ses ennemis ("L'arnaqueur de Tinder", Netflix, 2022), les escrocs font un carton dans les séries et les documentaires.

> A regarder, la bande-annonce de "L'arnaqueur de Tinder" (Netflix, 2022):

Le nouveau visage de l'escroc

Le personnage de l'arnaqueur a une longue tradition dans l'histoire du cinéma depuis la mode des films de cambriolages, à l'image d'Arsène Lupin, ressuscité en 2021 sous les traits du très populaire Omar Sy.

Mais à l'opposé de ce gentleman cambrioleur, le visage de l'escroc d'aujourd'hui a évolué. "Avant, on avait des escrocs 'Robin des bois', un peu glamour, qui faisaient ça pour le bien commun. Là, maintenant, on a plutôt des escrocs assez cyniques qui font ça pour leur bénéfice personnel", relève Charles-Antoine Courcoux, historien du cinéma à l'Université de Lausanne.

Ainsi, "Le serpent" (Netflix, 2021) narre les arnaques et les meurtres d'un tueur en série français, le documentaire "Les rois de l'arnaque" (Netflix, 2021) relate l'histoire d'escrocs ayant indûment empoché des milliards d'euros grâce au système de quotas d'émission de CO2 de l'Union européenne, tandis qu'Anna Delvey, jeune femme russe, va réussir à escroquer plusieurs milliers de dollars à des jeunes New-yorkais faisant partie de la haute société dans la mini-série "Inventing Anna".

Egoïstes et cyniques, ces personnages n'en sont pas moins fascinants par leur capacité de jouer avec le monde et surtout de se jouer du monde en s'appuyant sur les codes du système qu'ils retournent à leur avantage. C'est le cas de "L'arnaqueur de Tinder", un documentaire sur les exactions d'un homme qui a courtisé des femmes en ligne en se faisant passer pour un riche magnat, avant de leur extorquer des millions de dollars.

Des artistes de la confiance en soi

Dans ce long métrage, une des victimes témoigne de la puissance de l'industrie médiatique qui conditionne les petites filles à chercher un prince charmant en grandissant. Mais ce n'est de loin pas le premier code que l'arnaqueur utilise. "Le récit repose sur une mythologie contemporaine occidentale qui est celle que l'argent va vous donner des qualités humaines, qu'on peut faire confiance à une personne qui est riche", relève sur la RTS Claire Balleys, sociologue au Medi@lab de l'Université de Genève.

Ces escrocs qui inspirent la production visuelle sont qualifiés en anglais de "con artists", des artistes de la confiance en soi, à deux doigts de la glorification. "Ces arnaques basées sur la confiance s'ancrent vraiment dans une tendance très contemporaine, mais qui est aussi très liée aux performances de soi sur les réseaux sociaux", ajoute Claire Balleys.

Arnaqueurs ou joueurs fair-play d'un système chaotique, à l'heure des fake news et des post-vérités, le succès des grandes histoires d'escroquerie a le mérite d'ouvrir le débat.

Cecilia Mendoza et Maryline Zeller

Adaptation web: Sébastien Blanc

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