Publié

"Tapie", l'histoire d'un vendeur de télévisions qui veut rentrer dans le poste

Une image de la série "Tapie" de Netflix. [Netflix - Marie Genin]
Les invités :Tristan Séguéla et Olivier Demangel, "Tapie" / Vertigo / 26 min. / le 15 septembre 2023
Mini-série de sept épisodes à découvrir sur Netflix, "Tapie" voit Laurent Lafitte se glisser dans la peau du sulfureux homme d'affaires français. Ni à charge, ni élogieuse, la série démontre à quel point la gouaille, l'audace et l'énergie de Bernard Tapie exercent un puissant pouvoir de fascination.

C'est l'histoire de l'ascension et de la chute d'un homme sans limites. Bernard Tapie, fils de chauffagiste, fait ses débuts en gagnant un télé-crochet puis en vendant des téléviseurs avant de créer des petites entreprises. Et bientôt d'en racheter des bien plus grosses, de Wonder à Adidas.

L'homme devient alors animateur télé, patron de club de football, ministre sous Mitterrand, le tout ponctué de quelques chansons, faillites, procès et coups de gueule restés dans les annales de la télévision française.

Ce destin chahuté est relaté de manière chronologique d'un point de vue avant tout intime dans la série "Tapie", coécrite par le réalisateur Tristan Séguela ("16 ans ou presque", "Rattrapage", "Un homme heureux") et l'écrivain et scénariste Olivier Demangel (la série "Baron noir", les films "Novembre" ou "Tirailleur").

Des souvenirs d'enfance

La série s'installe souvent chez Bernard Tapie lui-même, avec ses femmes, ses parents, ses enfants, ses amis. Cette famille, Tristan Séguela, fils du fameux publicitaire et grand ami de la famille Tapie Jacques Séguela, l'a connue personnellement.

"Parmi les amis de mes parents, il faisait partie de ceux qui faisaient attention à moi. Il prêtait attention à tout le monde, grands et petits. Bernard Tapie passait parfois une partie de ses vacances chez nous et j'étais impressionné par ce qu'il dégageait physiquement quand il était là et par ce qu'il représentait dans la société française. Je pense que mon envie d'en faire le portrait est née là et s'est nourrie de ces souvenirs d'enfance", indique Tristan Séguela à la RTS.

Miroir de la France

Pour le co-scénariste Olivier Demangel, la série offre une excellente opportunité de raconter la France de la deuxième moitié du XXe siècle. Mais elle a nécessité un énorme travail préalable: "Il a fallu faire un très gros travail de documentation, de lectures, de visionnages pour réussir à comprendre et à embrasser tout ce que Bernard Tapie avait fait. Il a eu une vie extraordinairement aventureuse et romanesque. Il était nécessaire d'identifier les moments les plus intéressants à raconter pour donner une identité à ce portrait plutôt intime. C'est une direction que l'on a choisie dans les événements de sa vie pour lui donner un parcours qui correspond à notre vision", explique-t-il.

De fait, on est ici loin du portrait moral ou du biopic. Les deux co-scénaristes souhaitaient principalement montrer comment Tapie était le pur produit des années qu'il a traversées, celles de la France des années 1970 à 1990. "Ce n'est pas l'histoire d'un homme qui va faire fortune, c'est l'histoire d'un vendeur de télévisions qui veut rentrer dans la télévision. Nous avons beaucoup plus axé l'écriture sur son envie de reconnaissance et d'avoir un nom", poursuit Olivier Demangel.

Laurent Lafitte dans la peau de Bernard Tapie, dans la série "Tapie". [Netflix]
Laurent Lafitte dans la peau de Bernard Tapie, dans la série "Tapie". [Netflix]

Aucune vergogne

Pour Tristan Séguela, Bernard Tapie "voulait goûter à tous les desserts, comme nous le faisons dire à l'un des personnages. Il y avait quelque chose d'enfantin dans son désir de conquête".

La série peut être qualifiée de dramatique, puisque l'on connaît d'avance le destin tragique du personnage principal. Mais elle est aussi ponctuée de moments très drôles provoqués notamment par le caractère, les frasques et l'absence totale de vergogne de Bernard Tapie. Un humour burlesque, bien malgré lui.

Propos recueillis par Anne Laure Gannac

Adaptation web: Melissa Härtel

"Tapie", mini-série en sept épisodes à découvrir sur Netflix.

Publié

Critique: une série très aboutie

Selon Crystel Di Marzo, chroniqueuse séries à la RTS, "Tapie" est une série très réussie. "Netflix signe avec 'Tapie' sa série française la plus aboutie à ce jour. C'est une bonne baffe, que l'on doit en partie à Laurent Lafitte, de la Comédie-Française, phénoménal dans ce rôle. Son énergie se ressent dans chaque scène, même si son interprétation reste sobre: il ne caricature pas Tapie, il en fait un personnage romancé. Un magouilleur-menteur sympathique et attachant.

Ses femmes, ses enfants, ses amis, ses ennemis, ses affaires et ses affres: la série couvre une large palette de la vie de Bernard Tapie tout en gardant une ligne directrice centrée sur le divertissement. D'ailleurs, elle nous prévient à chaque début d'épisode avec un petit texte. Le parcours est réel, mais les dialogues et les situations de vie privée sont fictionnels.

La mise en scène et la trame se déroulent avec une facilité impressionnante, les transitions entre les scènes et les époques sont très bien amenées. Le montage est rapide, et les dialogues extrêmement bien écrits, intelligents et drôles.

En résumé, Tapie, c'est très réussi. Le reste du casting, la reconstitution des ambiances de l'époque - on traverse quand même quatre décennies - et l'excellente bande-son viennent compléter la liste des bons points de la série."