La nuit polaire en Alaska peut rendre dingue et offrir aux superstitions d'éclore et de se propager plus aisément qu'à l’accoutumée. Les esprits des morts reviennent hanter les vivants pour leur énoncer des vérités ou les ramener avec eux, alors que sur les routes enneigées, des ours blancs surgissent soudain pour traverser en dehors des clous. Attention danger!
Liz Danvers (Jodie Foster), flic pugnace obsessionnelle rongée de l'intérieur par ses propres démons, bouffée par l'aigreur et un deuil impossible à faire, ne croit pas aux esprits. Cette cheffe de la police d'Ennis, un petit village paumé au bout du monde, va pourtant être confrontée à un évènement a priori surnaturel qui la dépasse.
Huit scientifiques retrouvés congelés
Bien que brouillée avec Evangeline Navarro (Kali Reis), une policière native amérindienne, détentrice d'un héritage lourd à porter et peut-être victime d'une malédiction transmise de mère en fille, les deux ex-partenaires vont devoir collaborer bon gré mal gré pour résoudre l'énigme des huit scientifiques retrouvés nus, empilés et congelés sur la banquise.
Que s'est-il passé? Hallucination collective? Soirée beuverie qui a mal tourné? Mauvais coup d'un fantôme vengeur? Pourquoi cette sordide mise en scène macabre qui ressemble à la cabane en macchabées glacés construite par Matt Dillon dans le film de Lars Von Trier "The House That Jack Built"? A-t-on affaire à ce genre de psychopathe? A moins que la vérité ne trouve sa source dans les profondeurs du permafrost ou dans un ciel peuplé d'esprits torturés. Autant de questions qui hanteront l'auditoire et le maintiendront sous tension jusqu'au génial dénouement.
Une ambiance qui reste planante
Bonne nouvelle! "True Detective 4" renoue avec certains fondamentaux de la première saison tout en prenant un contre-pied bien venu. Les femmes tiennent leur revanche dans la froideur polaire, faisant oublier la chaleur du bayou et le duo de mecs hanté par le meurtre non résolu d'une prostituée. Woody Harrelson et Matthew McConaughey sont d'ailleurs toujours crédités ici comme producteurs exécutifs.
L'ambiance, bien que moins putride, reste planante. Dans cet espace où le temps semble parfois suspendu, Jodie Foster et Kali Reis mettent au tapis Colin Farrell et Rachel McAdams de cette saison 2 en dessous de tout. Elles surpassent aussi largement Mahershala Ali et Stephen Dorff, le duo de la saison 3 qui se contentait de faire le job, reléguant la franchise "True Detective" au rang de série comme les autres.
La renaissance a donc eu lieu dans ce désert glacé plongé dans la nuit polaire et caressé par un blizzard tenace capable de balayer les convictions les plus terre à terre pour laisser fleurir toutes sortes de superstitions. L'atmosphère mystérieuse à la "X-Files" fait largement frissonner et tant pis si le scénario tire sur des ficelles faciles comme un étrange symbole à décrypter, une vidéo qu'il faut faire parler ou même une compagnie minière polluante au coeur de la contestation.
Un final d'une redoutable efficacité
En fait, si "True Detective 4" envoûte et prend aux tripes, c'est avant tout parce que, dans ce coin de l'Amérique gangréné par la pauvreté et la violence, où les âmes solitaires trouvent leur réconfort dans l'alcool, les actes commis par certains personnages prisonniers de leurs émotions interrogent. Les scénaristes ne reculent devant rien pour bousculer leur public jusqu'au final d'une redoutable efficacité.
Liz et Evangeline nous entraînent ainsi sur un territoire bien plus glaçant que l'Alaska, sur le terrain de la morale et de la justice expéditive, impulsive, sans aucune forme de procès. Voilà donc six épisodes parfaits pour méditer sur la vie, sur l'au-delà, sur l'ici et maintenant sur terre où les dysfonctionnements de nos sociétés encouragent de mauvais réflexes.
Philippe Congiusti/olhor
"True Detective", saison 4, six épisodes inédits, à voir sur RTS1 et Play RTS depuis le 15 janvier 2024.