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Benedict Cumberbatch, sensationnel marionnettiste dans "Eric" sur Netflix

Benedict Cumberbatch dans la série "Eric" à découvrir sur Netflix. [Netflix - Spencer Pazer]
"Eric", sur Netflix, un marionnettiste qui perd le fil / Vertigo / 4 min. / le 10 juin 2024
L'acteur britannique Benedict Cumberbatch incarne un marionnettiste qui s'enfonce dans la schizophrénie, la drogue et l'alcool. Il est magistral dans la mini-série "Eric", un carton sur Netflix depuis le 31 mai.

Benedict Cumberbatch, le mathématicien génial Turing dans "Imitation Game", l’arrogant Docteur Strange dans la famille Marvel, le Sherlock Holmes de la série disponible aussi sur Netflix, pour ne citer que ces références dans la filmographie massive de l’acteur britannique, émeut comme rarement dans "Eric". Il incarne magistralement un père qui s’enfonce dans la schizophrénie, l’alcool, la drogue et le désespoir, à la recherche de son enfant disparu.

Edgar (Ivan Morris Howe) a neuf ans. Enfant solitaire, il aime dessiner et se raconter des histoires de monstres planqués sous son lit. Il se réfugie dans son monde pour échapper aux cris de ses parents, qui se déchirent sous ses yeux. Si sa mère Cassie (Gaby Hoffmann) n’est jamais avare d’un câlin, son père Vincent (Benedict Cumberbatch), tout aussi aimant, mais nombriliste, reste plus préoccupé par son travail et sa réussite. Vincent est un marionnettiste de génie qui laisse libre cours à son imagination avec son équipe dans le show à succès "Good Day, Sunshine!" plébiscité par les chérubins. Il leur donne à voir un monde bienveillant où la camaraderie et la tolérance tranchent avec le réel.

Au lendemain d’une dispute entre ses parents, plus houleuse que les autres, Edgar fait la tête et sans attendre que son père ne l’accompagne, prend seul le chemin de l’école. A partir de cet instant, il ne donnera plus aucun signe de vie. L’enquête démarre au service des personnes disparues. Ancien de la brigade des mœurs, l’inspecteur gay afro-américain Michael Ledroit (McKinley Belcher III) patauge.

Le New York des années 1980

Tout le monde patauge de toute façon à New York dans les années 1980, ce New York où la corruption règne partout, à la mairie, dans les commissariats, ce New York où les nombreux SDF vivent sous terre dans des couloirs de métro abandonnés et insalubres, ce New York où les poubelles s’entassent, ce New York où la discothèque The Lux autorise les avertis à vivre leur vie. Au-delà de la disparition d’Edgar, la série tire surtout sa force de la description de cette ville où homophobie, racisme systémique, corruption, proxénétisme, pédophilie, tensions sociales sont légion.

Benedict Cumberbatch dans la série "Eric" à découvrir sur Netflix. [Netflix]
Benedict Cumberbatch dans la série "Eric" à découvrir sur Netflix. [Netflix]

Dans cet environnement anxiogène, dévoré par ses addictions, Vincent le marionnettiste perd le fil et s’enfonce dans la précarité. Le froid qu’il entretient avec ses parents fortunés vire au glacial, tandis qu’un monstre imaginaire le glue, une boule de poils aux dents longues qui l’accule dans ses retranchements, le met face à ses failles et sa culpabilité. Ce monstre intérieur avec qui il bataille est l’incarnation d’Eric, une marionnette imaginée par son fils. Vincent rêve de la mettre à l’écran pour qu’Edgar la voie et revienne à la maison. Car, il en est convaincu, son enfant est encore vivant.

Au fil des épisodes, la série prend de l’ampleur alors qu’au-delà de la décrépitude de cet anti-héros, le récit s’attarde sur des personnages secondaires aux destins tout aussi fracassants. Parce qu'"Eric" joue sur plusieurs registres avec une rare habileté, parce que le scénario brillamment tricoté alterne thriller, drame familial et humain, parce qu’au bout du chemin une lueur d’espoir pourrait scintiller, "Eric" est incontestablement la mini-série à regarder en ce moment sur Netflix.

Philippe Congiusti/ms

"Eric" de Abi Morgan, avec Benedict Cumberbatch, Gaby Hoffmann, Jeff Hephner. Six épisodes à voir sur Netflix depuis le 30 mai 2024

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