Publié

"Dans l’ombre", fascinante série au coeur des machinations politiques françaises

Marie-France Trémeau (Karin Viard) et Paul Francoeur (Melvil Poupaud) dans la série "Dans l'ombre", 2024. [Deuxième Ligne Films/Elzévir Films/France télévisions]
Marie-France Trémeau (Karin Viard) et Paul Francoeur (Melvil Poupaud) dans la série "Dans l'ombre", 2024. - [Deuxième Ligne Films/Elzévir Films/France télévisions]
Adaptée du roman éponyme légèrement lifté de l’ex-Premier ministre français Edouard Philippe et du député européen Gilles Boyer, la série de Pierre Schoeller "Dans l’ombre" offre six épisodes haletants sur une course à la présidence vue de l’intérieur. Elle est à voir sur France 2 dès le 30 octobre.

En 2024, l’informatique est devenue incontournable et l’idée d’une fraude au vote électronique lors d’une investiture à droite un excellent point de départ pour une série palpitante. Cynisme, paranoïa, soupçons, suspens, réunions tendues et meeting de folie sont les ingrédients de ce thriller politique stressant, filmé tantôt comme un documentaire, tantôt comme un polar glaçant, et porté par Melvil Poupaud, Swann Arlaud et Karin Viard.

Un thriller politique captivant

Le premier est le candidat Paul Francoeur. Coincé dans un fauteuil roulant à la suite d’un banal accident de la route, ce veuf, ex-ministre, s’est persuadé qu’il pourrait relever la France. Pour conquérir l’Elysée, il se repose sur son ami César, l’archétype même de l’apparatchik célibataire qui sacrifie depuis vingt ans sa vie pour lui. Enfin, Marie-France Trémeau, grande perdante de l’investiture, mais indispensable à Francoeur pour remporter la présidentielle, reste lucide. Elle sait que "la France est féminin, mais le pouvoir masculin".

Dans ce panier de crabes infernal, la conseillère en communication Marylin (Evelyne Brochu) et le directeur de campagne Le Major, cadre balourd joué divinement par Philippe Uchan, s’activent aussi jours et nuits pour leur candidat. Mais le cercle rapproché de Francoeur doit rester sur ses gardes, ne pas trop en dévoiler face à l’autrice aussi arrogante qu’énervante Leïla Argument, campée par l’impeccable Maud Wyler, autorisée à suivre cette partie de campagne chère à Depardon pour laisser une trace en librairie.

 Une série à la hauteur de "House of Cards" et "Baron noir"

"Dans l'ombre" rivalise largement avec ses aînées "House of Cards" ou "Baron noir", tant la tension contamine chaque épisode de la série. Si la matière première du livre était déjà bien prometteuse, le choix de confier la réalisation à Pierre Schoeller s’est avéré décisif dans la réussite de l’entreprise. En 2011, il avait réalisé le captivant "L'exercice de l’Etat", les coulisses du pouvoir racontées à hauteur d’homme avec le duo Olivier Gourmet et Michel Blanc.

La mise en scène de "Dans l’ombre", incisive avec cette caméra en immersion au plus près des visages crispés, dans ce milieu politique jugé impénétrable, renforce à merveille la nervosité ambiante. Dans cette atmosphère parfois suffocante, quelques répliques jubilatoires fusent: "Si Francoeur a la France au cœur, heureusement qu’il ne s’appelle pas Francu!", lâchera l’apparatchik avec une pointe de cynisme alors qu’il critique un clip de campagne nul.

Cynisme et coups bas

Dans cet univers où les coups bas ne sont pas seulement permis, mais largement encouragés, ce n’est pas tant de savoir qui a truqué l’investiture qui compte, mais bien de comprendre comment contrôler la presse, duper la justice et amadouer des adversaires pour ne pas compromettre la victoire finale.

A l’heure où les politiques souffrent d’une sévère crise de confiance, les partisans du "tous pourris" vont se délecter avec "Dans l’ombre".

Philippe Congiusti/sf

"Dans l'ombre" de Pierre Schoeller, avec Swann Arlaud, Melvil Poupaud et Karin Viard. A voir sur France 2 et france.tv dès le 30 octobre 2024.

Publié