Chaque jour, les abonnés de la chaîne web Happy Récré se délectent des vidéos publiées par Kimmy, 6 ans, qui répond aux défis stupides lancés par Mélanie, sa maman. Ses capsules sont regardées par des millions d'enfants accrocs qui adulent Kimmy. Mais contrairement à ce que laisse augurer le nom de la chaîne, en coulisse tout n'est pas si happy qu'il n'y paraît.
Ce qui avait débuté comme un inoffensif jeu entre mère et fille est devenu un florissant business aux bénéfices faramineux. Les marques se bousculent pour sponsoriser Kimmy et arroser les parents, un couple qui a pensé à tout, y compris à monnayer pléthore de produits dérivés à l'effigie de leur marque et de leur môme. Avide de notoriété, la mère est aux anges, qu'importe qu'elle ait jeté sa progéniture en pâture sur le net, qu'elle néglige son fils à peine plus âgé que Kimmy, ainsi que son époux, réalisateur des vidéos.
Les dérives de la notoriété numérique
Dans ce milieu où la concurrence fait rage, Mélanie entend conserver son leadership sur ce marché et ne rien céder aux suiveurs en embuscade. Pour cela, elle doit publier sans relâche. Tant pis si Kimmy s'exécute à contrecœur.
Soudain, le business plan s'effondre alors que la petite fille est kidnappée. Débute pour la policière Sara, une jeune femme larguée qui ne comprend rien aux réseaux, une enquête complexe pour retrouver la disparue dans les plus brefs délais. Qui l'a enlevée sans demander de rançon? Un pédophile? Un concurrent jaloux? Sa propre mère pour doper l'audience? Aucune piste ne peut être écartée.
Dans "Les enfants sont rois", l'enquête devient un prétexte pour mieux cerner les travers et les dérives de la notoriété numérique à tout prix. Happy Récré ne compte pas que des adeptes. Certains polluent la mère avec d'infects commentaires libidineux ou des menaces de mort. Malgré elle, Kimmy est devenue une travailleuse peu protégée par la loi et exploitée par une maman toxique, aveuglée par son désir de célébrité et qui prive sa fille de son enfance. Que penser aussi de l'Education nationale, qui ferme les yeux sur le harcèlement dont est victime la gamine, un être solaire et radieux désormais renfermé et silencieux?
Une série particulièrement addictive
En s'éloignant quelque peu du roman de Delphine de Vigan dont la série est issue, les scénaristes offrent un appréciable complément au récit original. Tout en s'appuyant sur les codes du thriller avec son lot de rebondissements, de fausses pistes et ces policiers qui pataugent, la série s'attarde surtout sur la confrontation entre Mélanie et Sara pour percer la psychologie de cette mère névrosée. Le montage dynamique et la diversité des formats d'image qui renforcent le réalisme selon que l'action se déroule en privé, sur le net ou à la télé sur de vraies chaînes d'infos, rendent la série particulièrement addictive.
Le choix de Dora Tillier pour incarner cette mère aux multiples secrets s'avère un coup de maître, tant la comédienne employée à contre-emploi est magistrale. Géraldine Nakache, la policière cabossée par la vie, excelle également dans ce registre dramatique.
Le reste de la distribution est complété à merveille par Oussama Kehddam, Chantal Lauby, Jacques Weber, India Hair, Panayotis Pascot ou encore le Fribourgeois Cyril Metzger, fabuleux dans le rôle sombre d'un type détestable à cent lieues de celui qu'il tient dans la série "Winter Palace" qui arrivera en décembre.
Philippe Congiusti/ld
"Les enfants sont rois" avec Géraldine Nakache et Doria Tillier. A voir sur Disney+ depuis le 23 octobre 2024.