Que les esprits libidineux se rhabillent, l'intérêt ne réside pas dans les nombreuses scènes de sexe, pas plus que dans la psyché de Rocco Siffredi. Alors où? C'est tout le problème! Là où l'excellent documentaire "Rocco" de Thierry Demaizière et Alban Teurlai s'attardait sur son côté obscur, "Supersex" se contente de dérouler la vie d'un type sans aucune aspérité.
Passé les deux premiers épisodes, de loin les plus captivants, qui racontent l'enfance et l'adolescence de Rocco Tano dans une famille ouvrière pauvre du village d'Ortona dans les Abruzzes, la suite à Paris s'enlise dans la mollesse, de ses débuts ratés dans le porno au vedettariat, jusqu'au final en queue de poisson façon coïtus interruptus!
La série tente de questionner l'amour
"Supersex" ou plutôt "Rocco et son frère" débute pourtant très durement en 2004 dans la capitale française. Siffredi, Hot d'or 1994 du meilleur acteur porno européen aux 1500 films et 5000 partenaires revendiqués, annonce alors en public sa fin de carrière.
A peine sorti de scène que, pantalon en bas des genoux, l'étalon italien détrousse violemment une fan qui rêvait de tourner avec lui. Les témoins se délectent de cette saillie alors que Rocco lui répète qu'elle n'est que de la viande tout en lui intimant l'ordre de fixer dans les yeux les voyeurs. Le porno, c'est ça! De la bestialité glauque, pas de l'amour. Et la série de justement questionner à longueur d'épisode ce qu'est l'amour.
Dès son enfance, Petit Rocco découvre son grand bazar à chaque regard posé sur l'inaccessible Lucia, la copine de son bellâtre de grand frère Tommaso qu'il idolâtre. Envieux et très amoureux, Rocco se console en douce grâce à un roman photo pour adulte: "Supersex" raconte les aventures d'un super héros au super zizi en guise de super pouvoir. Un jour, il sera lui aussi Supersex, baisera le monde entier et deviendra riche grâce à sa trique!
L'engagement féministe de la créatrice de "Supersex"
A la fin de son adolescence, Rocco tue Tano pour créer Siffredi. Il rejoint la capitale française sur l'invitation de Tommaso, avec qui il entretient une relation d'amour-haine tordue.
Torturé par son origine incertaine, bouffé par la jalousie, voyou maquereau au caractère impulsif, ce personnage de Tommaso, épais et complexe, qui mettra sa Lucia sur le trottoir de Pigalle, dame le pion au trop lisse fornicateur insatiable Rocco. Le trajet de la maman et la putain Lucia, autrement plus bouleversant que celui du hardeur, maintient l'intérêt.
Francesca Manieri, créatrice de la série, connue pour son engagement féministe, a eu le bon goût de créer cette Lucia de toute pièce, un personnage fictif seul capable de réduire l'ex-star du X à ce qu'il était: un porc sans envergure. Dans un contexte de lutte contre les violences faites aux femmes, la showrunneuse a trouvé le subterfuge idéal pour balayer toute critique. Lucia n'hésite pas à dire à Rocco l'animal violent qu'il est et qu'il se fourvoie en croyant faire du bien aux femmes.
Rôles féminins bien servis
Dans "Supersex", à l'instar de Lucia, les rôles féminins sont très bien servis, de la mère de Rocco toujours digne même dans le chagrin aux filles de passage dans sa vie de bête de sexe incapable de faire l'amour, en passant par les femmes qu'il a volontairement abandonnées pour incarner Siffredi à temps plein.
Portée par un excellent trio, Jasmine Trinca (Lucia), Adriano Giannini (Tommaso) et Alessandro Borghi (Rocco), la série "Supersex" est emballée dans une réalisation assez soignée, soutenue par un boulevard de tubes sur sa bande-son. La mise en scène sait être glauque lors des passes en pleine rue à Pigalle, nerveuse quand Tommaso pique ses accès de colère, porno chic dans les clubs libertins ou sur les tournages.
Parfois l'humour s'invite même, lorsque l'actrice récompensée aux Hot d'or de la meilleure scène de sexe anal dédie son prix à sa mère, ou qu'un glaçon indécollable glue l'engin chaud bouillant de Rocco. Reste l'émotion, grande absente, uniquement convoquée dans les deux premiers épisodes.
Philippe Congiusti/olhor
"Supersex" de Francesca Manieri, avec Alessandro Borghi, Jasmine Trinca et Adriano Giannini, série en sept épisodes, à voir sur Netflix depuis le 6 mars 2024.