Au théâtre, il suffit de peu pour obtenir le maximum. Quelques draps blancs sont suspendus tels des rideaux. En les tirant, vous obtenez une misérable cuisine ou un palais selon la table que vous posez devant. Et en plaçant judicieusement l’éclairage de manière à provoquer des ombres chinoises, vous montrez la créature la plus monstrueuse qui soit. On ne fait que deviner seulement ses contours difformes et sa nature bestiale. Ajoutez le son: l’orage au fond du bois, la grosse voix du monstre. Ajoutez encore l’éclairage. Ou plutôt coupez-le, afin de plonger la salle dans la nuit noire. Le tour est joué: que vous ayez 7 ans ou 77 ans, vous voici plongé au cœur de l’histoire de "La Belle et la Bête".
Un conte écrit au XVIIIe siècle
Michel Voïta aime les classiques et entend les jouer de manière tout aussi classique. Pas de relecture post-moderne dans sa mise en scène du célèbre conte de Madame Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Oui, c’était une femme qui a rédigé la version que l’on lit encore, le soir à la veillée, de "La Belle et la bête". En 1754. Cette aristocrate lettrée la tenait elle-même d’une autre femme, Gabrielle Suzanne de Villeneuve, qui l’avait pour sa part puisée dans des légendes plus anciennes encore. Sur la scène du Petit Théâtre, on admire donc des robes de princesse de toutes les couleurs ainsi qu’un bon papa en habits de marchand inspiré de l’Ancien Régime.
"La Belle et la bête" débute comme Cendrillon. Avec une jeune fille ravissante réduite au rang de souillon par deux sœurs jalouses et méchantes comme des teignes. A la différence près que Belle accepte son sort modeste avec bonhomie et l’aide d’une fée, une amie imaginaire.
Quant à la Bête, maudite en son château mystérieux au fond des bois, cette version théâtrale du conte ne nous dira ni le comment ni le pourquoi de cet état monstrueux pour se consacrer à l’essentiel: l’apparence est trompeuse et l’amour triomphe de tout. Tel le crapaud d’un autre conte, la Bête s’avère un beau prince et la noblesse de cœur de Mademoiselle Belle s’en trouve récompensée.
Un spectacle qui ravit les enfants
Au Petit Théâtre de Lausanne, les adultes seront peut-être frustrés de ne pas découvrir une version pleine de sous-entendus ou de réinterprétations contemporaines à leur intention. Le public cible, les enfants dès 7 ans, seront en revanche ravis de vivre cette mise en scène qui flanque délicieusement la trouille avant de se conclure sur une fin heureuse et rédemptrice.
Avec Stéphanie Schneider en Belle à la blonde pureté tout à fait convaincante. Diana Fontannaz et Yasmina Remil délicieuses de roueries et d’aigreur. Jean-Luc Borgeat en brave papa d’amour. La maman? Absente, disparue. La Bête? Suggérée en direct par Simon Bonvin à la très grosse voix que l’on ne verra qu’aux saluts finaux.
Thierry Sartoretti/aq