Le costume que portait Molière pour "Le malade imaginaire" le 17 février 1673 était peut-être vert, mais ce n'est pas ce qui a causé la mort de l'auteur. C'est la tuberculose qui l'a emporté. Mais dans le monde du théâtre, la superstition entourant la couleur verte continue à être relativement présente: un acteur ne doit pas porter du vert, cela porte malheur!
L'histoire de la mort de Molière n'a fait que renforcer une superstition déjà existante. Au théâtre, la couleur verte était bannie des costumes pour plusieurs raisons: aux XVIe et XVIIe siècles, aucune technique ne permet encore de fabriquer une teinture verte qui tienne bien sur les tissus, à la place, on peint les textiles en vert.
L'historien Michel Pastoureau, spécialiste des couleurs, expliquait à France Inter: "on associe la couleur verte à tout ce qui ne dure pas: l'enfance, l'amour, la chance, la fortune, le hasard, le jeu". Le vert est associé à des choses inquiétantes, comme les extraterrestres, Hulk, Judas, selon l'historien.
Le vert, une couleur instable
Le vert, ou "vert-de-gris" comme on l'appelle à l'époque, est ainsi, dans l'histoire, considéré comme une couleur instable, qui déborde sur les autres couleurs, qui "bave" sur la peau, qui est toxique, car composé de cuivre oxydé, de vinaigre, de citron ou d'urine. On l'associait à des morts prématurées et donc, à la malchance.
Aujourd'hui, on ne teint plus les textiles de cette manière et les comédiens portant des costumes verts ne risquent plus l'empoisonnement. Pourtant, la superstition persiste... à cause de la lumière. Aux XVIIIe et XIXe siècles, les théâtres avaient abandonné les bougies comme éclairage, au profit de lampes brûlant de l'oxyde de calcium ( la "chaux vive"). Or, cette lumière ne mettant pas du tout en valeur le vert, on ne voyait pas les acteurs sur scène s'ils portaient cette couleur.
Les Anglais avancent une autre explication: à l'époque, on jouait beaucoup à l'extérieur, sur des pelouses, dans la verdure, et là aussi, on distinguait mal les comédiens.
Un changement grâce au cinéma
Avec le développement du cinéma, tout a changé. Etant la couleur la plus éloignée de celle de la peau humaine, le fond vert est devenu l'outil le plus efficace pour effectuer des effets spéciaux. Les silhouettes sont, grâce au vert, plus faciles à détourer et les incrustations sont plus précises.
Le cinéma a fait du vert son meilleur allié. Mais au delà des superstitions qui lui sont associées, le vert est aussi devenu, dès l'époque romantique, la couleur de la nature, puis celle de la santé, de l'hygiène et enfin de l'écologie, comme le rappelle Michel Pastoureau: "Aujourd'hui, l'Occident lui confie l'impossible mission de sauver la planète", explique-t-il dans son ouvrage "Vert. Histoire d'une couleur" (Ed. du Seuil).
Sujet radio: Claire Mudry
Adaptation web: Lara Donnet
D'autres pays, d'autres couleurs
Il est intéressant de noter que le vert n'est pas universellement la couleur censée porter malheur au théâtre. En Angleterre, le bleu, qui paraît noir à la lumière des bougies, ne doit pas être porté sur scène. En Italie, c'est le violet qui est objet de superstition. Quant à l'Espagne, elle considère que le jaune porte malheur puisque la cape du torero, jaune à l'intérieure, ne dévoile cette couleur que si le torero est encorné par le taureau.