"Cécile", notre nouvelle copine bien fofolle qui rejoue sa vie sur scène

Elle a de grands yeux rieurs, Cécile. La voici assise devant nous sur un tabouret. Elle est venue "à cause de Marion Duval qui lui a demandé de raconter son histoire". Elle n’est pas très âgée, Cécile Laporte. La jeune trentaine et pourtant sa vie remplit sans problème trois heures de spectacle!

Ça vous paraît long? Ça file pourtant à toute allure entre la confession, l’anecdote, le scabreux, le drôle, l’incroyable et l’apparemment vrai. Sans compter le fait que Cécile ne fait pas que se raconter. Par moment, la voici qui rejoue sa vie avec la complicité de la metteuse en scène Marion Duval, de quelques acolytes costumés et des inventions pas possibles genre monstres en carton-pâte ou bonhommes en mousse.

Faire fleurir les gens

Q

u'a-t-elle donc de si spécial la vie de cette Cécile, qui joue la grande timide au moment d’entrer en scène? "Elle a le don de faire fleurir les gens autour d’elle", explique Marion Duval qui signe ce spectacle-portrait-docu pour le moins singulier. "Avec elle, j’ai appris à surmonter des barrières, réviser mes jugements et devenir une meilleure personne." De facto, Cécile Laporte est tout sauf coincée. Un sacré personnage même.

Au vu du CV présenté sur le programme, il faut s’accrocher pour suivre la vie de Cécile. Elle tient du slalom géant, de la couture en zigzag ou des montagnes russes sans la ceinture de sécurité. On ouvre les guillemets, c’est dans le programme de "Cécile": "Ecologiste, porno-activiste, spécialiste en psychotropes thérapeutiques, porte-parole de mouvements squat en France ou défenseuse des droits des migrants."

On ajoutera clown d’hôpital, accompagnatrice de handicapés mentaux en montagne, créatrice de comédies musicales en milieu psychiatrique, nez rouge en Mongolie et j’en passe. Les anecdotes dérapent comme une voiture de rallye sur une plaque de verglas. On passe du rire à la larme, de la stupéfaction à l’interrogation: Cécile est-elle la Wonder Woman de l’underground ou la parfaite mytho qui vous emmène dans ses délires?

>> A écouter: Marion Duval dans l'émission "Nez à nez" :

facebook.com/arsenic.lausanne

Toujours plus expérimental

Après "Clap Trap" qui mettait en scène son couple avec le danseur Marco Berrettini dans un feux d’artifice de magie, de dragons, d’acrobaties, de provocation, de stand-up, de chansons, de performance, de claquettes et d’explosions, clamant ses adieux à la scène dans un dernier geste "où on donne tout", Marion Duval mène plus loin encore son très singulier théâtre.

L’idée est d’arriver à un point où les choses ne sont plus maîtrisées. Pour les spectateurs comme pour nous. Tout ça passe dans l’instant présent et dans une certaine intensité.

On avance dans ce théâtre en battant des bras sur une corde raide entre réalité et mystification, confession et calembredaine, sobriété et kitsch assumé. Une corde bien tendue où la longueur n’est jamais langueur, mais au contraire un moteur du trouble qui s’installe chez les spectateurs. Cécile, c’est notre nouvelle copine, super sympa, passablement fofolle. Au bout du compte, la connaît-on vraiment?

Thierry Sartoretti/mh

"Cécile", Arsenic de Lausanne, jusqu’au 31 mars. Puis à Genève, Théâtre de Saint-Gervais, du 14 au 19 mai.

"Clap Trap", mise en scène de Marion Duval, à Genève, Théâtre de Saint-Gervais, du 4 au 9 juin.

"Las Vanitas", collectif Chris Cadillac avec Marion Duval, à Annemasse (F), Festival Frictions, le 23 mai.