Le théâtre, c'est aussi… la performance. Cette année, les prix fédéraux qui récompensent le monde des arts de la scène privilégient les arts performatifs et les formes contemporaines. Comprenez des spectacles qui ne sont pas issus de textes classiques ou écrits, voire des spectacles sans textes qui jettent des ponts du côté des arts plastiques ou du cinéma.
Le grand vainqueur de l'année 2019, le porteur de l'anneau Hans Reinhart (soit le bijou, plus la somme de 100'000 francs) est l'artiste genevois Yann Duyvendak dont la carrière débute en 1995 avec le solo "Keep it Fun for Yourself". Face caméra, l'auteur se lance dans un récital de chansons a cappella qui sont une suite de discours sur l'art. Cette première œuvre trace une ligne artistique qui a souvent mélangé musique et images tout en interrogeant les pratiques du monde de l'art ou de la société.
Yann Duyvendak officie comme performeur, comédien, metteur en scène, créateur d'installation ou d'événements socio-culturels. Controversée, l'une de ses dernières créations majeures, "Sound of Music", mêle comédie musicale et danse contemporaine pour évoquer l'épuisement des ressources naturelles dans une débauche de lumières et de mouvements.
Des prix qui saluent un théâtre pluridisciplinaire
L'Office fédéral de la culture (OFC) a décerné cinq "prix du théâtre", d'une valeur de 40'000 francs chacun. Là aussi, les récompensés relèvent presque tous d'un théâtre porté sur la performance et le pluridisciplinaire.
Ainsi le metteur en scène zurichois Thom Luz et ses spectacles aussi musicaux que rêveurs ("LSD mein Sorgenkind" notamment), le metteur en scène et comédien fribourgeois François Gremaud avec son art teinté d'humour et d'esprit dada (notamment sa "Conférence de choses", un tube dans les pays francophones), le metteur en scène zurichois Dominic Huber que l'on a pu voir en Suisse romande au sein du collectif Rimini Protokoll (leur formidable installation "Nachlass" qui présentait les témoignages posthumes de personnes en fin de vie) ou encore la comédienne bernoise Bettina Stucky, fidèle des mises en scène ironiques et décalées de Christoph Marthaler. En 2017, elle a aussi incarné Magda dans le récent film "L'ordre divin" de Petra Volpe. Enfin, moins connue en Suisse romande, la Tessinoise Vania Luraschi a créé dans son canton le Teatro Pan, un collectif spécialisé dans le répertoire destiné au jeune public, désormais une institution qui tourne de par le Monde.
Enfin, le prix suisse de la scène (d'un montant de 40'000 francs) va au duo zurichois Knuth&Tucek et son répertoire de cabaret satirique en chansons ("Hexe!" en 2016). L'OFC a également nominé deux artistes pour le prix de la scène, chacune, chacun, recevant la somme de 5000 francs: Marjolaine Minot remarquée récemment pour son solo "Je suis la femme de ma vie" et sa mise en scène du duo de clowns Les Diptik ("Hang Up"). Et enfin Nicole&Martin, deux anciens de l'Ecole de théâtre Dimitri qui mènent un cirque itinérant inspiré du monde des contes.
Les prix seront décernés au Théâtre du Crochetan à Monthey le 24 mai prochain, à l'occasion des Rencontres du Théâtre suisse qui se déroulent cette année en Valais.
Thierry Sartoretti/ld