Voici une sorte de château en échafaudages. Il évoque ces constructions à grimper trônant dans les parcs de jeu. Il a deux tours, ce tubulaire. Une de chaque côté de la scène avec entre les deux une passerelle. La tour de gauche tient de la cabane habitée par un drôle de zigoto: moitié ermite (solitaire, misanthrope, taiseux) moitié chimpanzé (habile à grimper, corps élastiques).
Cet encabané n’aime pas qu’on le dérange. Alors quand débarquent sur sa passerelle un type à la tête carrée et une fille avec des yeux de hibou, rien ne va plus. Les derniers arrivés veulent passer, le voici obligé de converser.
Un grand point d'interrogation
Feu Raymond Devos disait "qu’une fois rien, c’est rien. Deux fois rien, c’est pas beaucoup. Mais pour trois fois rien, on peut déjà acheter quelque chose." Le rien n’est donc pas rien.
"Il va où le blanc de la neige quand elle fond?" aborde cette belle question du vide tout en se construisant précisément sur trois fois rien: un texte plein de silences, un décor empli de trous, une action ponctuée de pauses… Et ça marche! Grâce notamment au jeu formidable de trois comédiens: Danae Dario, Maxime Gorvatchevsky et Simon Labarrière.
Ce spectacle est un grand point d’interrogation. Il n’apporte pas de réponse, ouvre des pistes et laisse au public le soin de réfléchir plus loin. Ou pas. Le trio est parfait de justesse. Il offre une magnifique respiration à ce très beau texte. Leurs trois personnages aux caractères et surtout aux ressentis très différents vont pouvoir dialoguer, se tolérer et finalement s’accepter.
Il y a celui qui vit avec son caillou à qui il prête vie. Il y a le cartésien pour qui tout est adition, soustraction, science et explication. Et enfin il y a l’intuitive capable de créer du lien permettant à ces trois personnages de se rencontrer. Et puis, si vous n’êtes pas un enfant, vous apprécierez aussi le propos: il n’y a pas de limite d’âge pour les interrogations existentielles sur le vivant et notre rapport à la nature.
Le titre du spectacle figurait dans les dialogues avant de disparaître. "Where does the white go when the snow melts?" Je vous l’écris en anglais. Car on attribue, à tort ou à raison, cette interrogation sur la disparition du blanc à Shakespeare… Comme quoi, certains questionnements ne tombent pas de la dernière neige…
Thierry Sartoretti/aq
"Il va où le blanc de la neige quand elle fond?", Petit Théâtre de Lausanne jusqu’au 17 novembre. Puis au Théâtre du Loup, à Genève du 29 novembre au 1 décembre.