Que ce soit lors de ses chroniques radio ou de ses spectacles, Marina Rollman a réussi à s'imposer en Suisse et en France, notamment sur France Inter où elle a sa propre chronique, "La drôle d'humeur de Marina Rollman", en compagnie de Nagui. Depuis 2017, elle tourne aussi avec "Un spectacle drôle", un show qui évolue au fur et à mesure de ses envies. "J'ai tendance à m'ennuyer rapidement", explique-t-elle. "En ce moment, le spectacle parle de couple, de mariage, de dépression, de handicap, d'addiction, de sport et de sexualité."
La sociologie par l'humour
Les sketchs de Marina Rollman sont basés sur les gens, qu'elle adore observer. Elle analyse et réfléchit à la société d'aujourd'hui. "J'aime beaucoup parler de pop culture et de célébrités. Ce qu'elles provoquent en nous est très intéressant: elles changent notre culture, notre rapport aux vêtements, aux objets…"
Les seuls sujets que l'humoriste a du mal à aborder, ce sont ceux qui la touchent et qui la rendent triste. Elle raconte: "Je ne sais pas comment les rendre amusants. Par exemple, j'ai un rapport extrêmement compliqué avec les "bullshit jobs", le travail de bureau, un certain désœuvrement du tertiaire aujourd'hui et la tristesse des jeunes qui va avec. Cela m'a touchée de près. L'autre chose, c'est que je ne me censure pas, mais je suis extrêmement bien-pensante. On me le reproche parfois", ajoute-t-elle.
Être humoriste en France et en Suisse
Marina Rollman prend également plaisir à se moquer gentiment des Français. "Comme la Suisse n'est pas une nationalité menaçante, on a le droit de piquer nos voisins. A Paris ils sont très bons clients. Cela fait partie d'une marque d'affection et d'une façon de faire de l'humour assez généralisée; se piquer et se chamailler un peu, c'est bien pris. Cela ne serait pas pareil si j'étais américaine ou chinoise et que je me moquais des Français. Mais comme il y a de toute façon un complexe de supériorité, c'est rigolo d'être l'aiguillon. En plus de ça, je suis franco-suisse, donc j'ai beaucoup d'affection et de connaissances des deux côtés."
Comment les humoristes suisses s'exportent-ils à l'étranger sans dénaturer notre humour laconique? "Je pense que les ponts sont complètement faisables. Après, il s'agit de ne pas perdre confiance en soi et de ne pas oublier ses références locales, quitte à les adapter en contextualisant un peu. Je suis allée voir Marie-Thérèse Porchet il y a quelques mois à Paris, c'était formidable."
Les femmes et l'humour
Lorsqu'on lui demande ce qu'elle pense du statut des femmes humoristes en Suisse, Marina Rollman est positive: "J’ai l'impression qu'il y a un élan de féminisation de ces métiers-là. Ça prend un peu de temps, mais je ne pense pas que l'écart entre les hommes et les femmes soit pire chez nous qu'ailleurs. Je sens cette vague féministe nous arriver dessus!"
Tout de même soucieuse du statut minoritaire des femmes humoristes, l'artiste organise un gala 100% féminin au festival Morges-sous-rire en mars. "Quand je me retrouve dans des endroits où il y a un peu plus de femmes qui font le même métier que moi, cela me fait plaisir. Je ne trouve pas intéressant de créer des catégories spéciales pour les femmes. En revanche, créer un endroit où l'on se sent à l'aise et où l'on peut expérimenter, c'est important. Ne pas se sentir en minorité permet peut-être d'aller plus loin dans sa prise de risque et d'être sûre de soi sur scène."
Propos recueillis par Laurence Froidevaux
Adaptation web: ms
Marina Rollman, "Un spectacle drôle", à voir le 28 février au Théâtre du Léman Genève (reporté à une date ultérieure), le 28 mars lors du gala Morges-sous-rire et le 14 mai au Haha! Comedy festival à Bienne.