Nous sommes à Dijon. Mercredi 13 avril 2013. Le dernier TGV pour Lausanne part dans dix minutes et la répétition d'un nouveau spectacle de théâtre vient de s'achever. La sanction tombe. Brutale. La comédienne Diane Muller n'est plus la bienvenue dans cette production qui doit s'étaler sur les douze prochains mois. Pourquoi? Le metteur en scène ne la veut plus. Elle ne correspond plus à son projet. Et pour se protéger, déclare-t-il, se sépare d'elle. Sans préavis ni indemnité de départ. "On se rappelle, d'ac?"
Cela faisait pourtant cinq années que Diane Muller faisait partie, avec succès, de cette compagnie bourguignonne de théâtre jeune public. Pour répondre aux besoins de cette nouvelle création promise à une belle tournée, elle n'avait pris aucun autre engagement pour les douze mois suivants. La suite s'est jouée au tribunal, avec une cause gagnée pour la comédienne. La suite se joue aujourd'hui encore sur un plateau de théâtre. Le désarroi, la colère et la rage de la comédienne sont devenus un spectacle tonique, ironique, relevant de l'autofiction. Son titre: "Mercredi 13". Pour conjurer le mauvais sort.
Une mise en abîme
Que propose "Mercredi 13"? Un regard sur les coulisses du spectacle, une observation des mœurs théâtrales. Plutôt que de rejouer son licenciement façon reconstitution ou documentaire, Diane Muller a pris un malicieux chemin de traverse. "Mercredi 13" est le spectacle d'une troupe en train de monter un spectacle, en l'occurrence une adaptation à la scène du roman de Michel Tournier, "Vendredi ou les limbes du Pacifique". Il y a des palmiers en plastique, des chemises hawaïennes et des acteurs qui cherchent encore leur personnage et leur place dans cette improbable pièce en devenir.
Sur scène, on perçoit une certaine tension et de nombreuses piques entre les quatre protagonistes. Pas facile de jouer à l'acteur qui joue à l'acteur qui joue un rôle. Dans ce jeu de poupées russes, Bastien Semenzato, Céline Nidegger, Roland Gervet et Diane Muller excellent. Pour la petite histoire, ce sont aussi à la ville deux couples de comédiens, ce qui donne de jolies mises en abîme des rapports de travail et de pouvoir entre artistes.
Une société en vase clos
Pourquoi "Vendredi ou les Limbes du Pacifique"? Une troupe en création est une société coupée de l'extérieur et qui fonctionne en vase clos, explique Diane Muller. Comme un naufragé sur son île. Et les rapports de force au sein de cette compagnie ont plus d'un lien avec la relation maître-esclave de Robinson et Vendredi perdu dans l'Océan.
Hasard ou malice de la numérologie, "Mercredi 13", qui convoque Vendredi, se joue un vendredi 13 mars sur la scène du Théâtre Benno Besson. Une combinaison qui devrait porter chance.
Thierry Sartoretti/ld
"Mercredi 13", de Diane Muller, Yverdon-les-Bains, Théâtre Benno Besson, était programmé dans le cadre du Festival des Autofictions, annulé pour cause de coronavirus.