"Oiseaux! Voyez les maux qui agitent notre monde! L'anarchie – la misère – les bouleversements! Les luttes désespérées pour de la terre, de l'eau, de la nourriture! L'air empoisonné! Le malheur! Je crains que nous ne soyons perdus. Il nous faut faire quelque chose! J'ai vu le monde. Je connais bien des secrets. Ecoutez-moi: je connais un roi qui possède toutes les réponses. Il nous faut aller le trouver." Et la huppe d'emmener les oiseaux du monde entier à la recherche de Simorgh, le roi des oiseaux.
On doit ce texte éminemment mystique au poète Farid Al-Din Attar. Ça ne date ni de la pandémie du Covid ni du discours de Greta Thunberg devant l'assemblée générale de l'ONU. Le soufi a publié son poème en 1177. On parlait qualité de l'air dans la Perse des 1001 nuits? Pas tout à fait. Le texte original questionnait avant tout notre lien à la spiritualité. Et Farid Al-Din Attar le sage fut banni à cause de ses écrits. Les aspects écolos sont des ajouts contemporains dus à l'illustrateur tchèque Peter Sis. Sa "Conférence des oiseaux", parue en 2011, est un best-seller dont la beauté, la simplicité et la profondeur touchent les plus jeunes comme les plus âgés et donnent un large écho à la pensée de Farid Al-Din Attar.
Questions existentielles pour jeune public
C'est cette version plus écolo, rebaptisée "Voyage des oiseaux", que l'on retrouve ces jours-ci sur la scène du Théâtre de l'Orangerie. Multicolores, les oiseaux ont été dessinés par les enfants-spectateurs. Les voici animés sur un grand écran grâce aux talents graphiques de Marc Philippin dans un style chamarré et chromatique qui évoque les contes d'Orient, de la Perse à la Chine. Les oiseaux ont une voix, à chacun la sienne, celle de la comédienne Camille Figuereo, récitante de ce spectacle qui nous emporte à travers le monde via sept vallées et autant de clés de la connaissance, de l'amour à la mort en passant par l'émerveillement. Au pied de l'écran, entouré d'une multitude d'instruments – percussions, claviers, flûtes, appeaux, tout ce qui produit un bruit – le duo TaMiErO accompagne le voyage en chansons et musiques.
Un spectacle jeune public où l'on parle de la mort, du néant et de la création? Il n'y a pas d'âge pour aborder les grandes questions existentielles. De toute façon si l'on préfère les récits d'aventures, celles de ces oiseaux, ponctuées d'intermèdes, sont bien assez captivantes. D'ailleurs, ils nous ressemblent beaucoup, ces volatiles à la huppe: il y a les fiers, les modestes, les peureux, les hésitants, les déterminés, les casaniers, les aventureux… Et au bout du compte, au bout de la quête, il y a ce constat: réponses et vérité se trouvent bien plus près qu'on ne le pense.
Thierry Sartoretti/ld
"Voyage des oiseaux", Théâtre de l'Orangerie à Genève, jusqu'au 23 juillet, dès 5 ans.