Avec "Opa", le théâtre fête la belle Hellène

Pardonnez le néologisme, mais y’a pas photo: Hélène c’est la plus belle femme du monde antique. Mariée au vieux Ménélas, roi de Sparte, et enlevée par le jeune et beau Pâris qui l’emporte à Troie.

Une drôle de galère cette affaire dont on n’a jamais bien su le rôle et l’opinion de la belle. Punitive et lancée par des maris grecs furibards (Ménélas, Achille, Ulysse et quelques autres mâles), la guerre de Troie va durer dix mauvaises années et emporter bien des vies. Pâris sera tué dans la bataille et Hélène, récupérée par Ménélas, finalement étouffée dans son bain par une veuve rancunière. La beauté, c’est parfois lourd à porter.

Un jeu d'équilibriste

Sur scène, Mélina Martin est Hélène, la plus belle femme du monde. Elle le porte à merveille ce rôle, passe avec un phrasé en mode staccato du grec au français et vice-versa. La voici aussi ballerine perchée sur ses chaussons, jeune mariée (à la grecque, forcément) ou tragédienne juchée sur sa chaise telle une future pendue. La beauté, c’est parfois lourd à porter.

Dans "Opa", Mélina Martin se joue des stéréotypes féminins et pratique avec le public un malicieux jeu de chatte et de souris. Il y a de l’équilibrisme dans ce jeu qui semble fragile, prêt à se casser la figure à tout moment, puis se rattrape pour mieux buter à nouveau sur un problème de robe ou une hésitation. Peut-être feinte. Ou pas.

Un spectacle programmé à Avignon en 2021

"Opa", c’est ce que l’on crie dans une taverne à rebetiko lorsqu’un danseur réussit une figure impossible ou qu’un buveur tombe de sa chaise après avoir sifflé la bouteille de tsipouro de trop. "Opa", c’est le olé des Hellènes et l’étendard de cette Hélène contemporaine qui nous parle beauté et identité.

Premier spectacle solo d’une jeune comédienne issue de la Manufacture, la Haute école romande des arts de la scène, "Opa" fait partie de la fine et désormais réputée Sélection suisse du Festival d’Avignon. Ce dernier a été annulé. Hélène peut se consoler avec ces quelques représentations genevoises avant de rebondir de plus belle à la prochaine édition du Festival en juillet 2021.

Thierry Sartoretti/aq

"Opa", Théâtre de l’Orangerie, Genève, jusqu’au 22 juillet. A voir également, les excellents spectacles de la Sélection suisse "La Collection" (jusqu’au 23 juillet) et "A l’envers, à l’endroit" du 18 au 23 août.