Des fleurs, beaucoup de fleurs. De la vigne aussi. D'autres fruits et bien sûr des arbres. Un jardin de bric et de broc avec des graines rapportées de-ci de-là: Lausanne, Europe centrale, Etats-Unis, Amérique du Sud. Un jardin extraordinaire en somme, arrosé du côté de Lausanne par la peintre slovaque Jana Trnka. Le petit paradis d'enfance de la comédienne Olivia Csiky Trnka.
Ce jardin, le voici transporté à Genève, sur la scène de Saint-Gervais, dans le cadre du Festival de la Bâtie. Miracle du théâtre, capable de faire tout revivre avec des mots et quelques accessoires chinés entre brocante et garden-center. Le jardin d'Olivia et Jana, on le retrouve pour mieux le perdre: "Je me suis rendu compte que tous les lieux que j'avais aimés ont disparu", déclare la comédienne. "Et vous, avez-vous aussi un jardin, un lieu d'autrefois où vous vous sentez bien? Est-ce qu'il existe encore?".
Avec sa maman, avec ses deux amis Frank Williams et Louis Sé, avec du dessin, de la vidéo, de la musique et des végétaux, Olivia Csiky Trnka revisite ce pan d'enfance et d'insouciance. Elle nous parle de paradis perdu, d'exil, de cornichons au vinaigre et d'un tropisme qui vous mène toujours plus à l'Ouest. Elle nous parle aussi Nature et cette propension de l'être humain à l'éradiquer.
Le jardin de son enfance a ainsi été rasé, puis bétonné et cette pièce célébration propre le titre de "Demolition Party". C’est que sur scène, on ne conte pas que fleurette. On découvre des épines, des esprits slovaques, le couple bientôt déchu Adam&Eve et deux personnages de la "Cerisaie" d'Anton Tchekhov, peut-être la pièce de théâtre ultime en matière de jardin. Souvenez-vous du dilemme de cette histoire russe écrite au crépuscule du 19e siècle: faut-il conserver la cerisaie et courir à la ruine. Ou la vendre, couper tous les arbres, pour y construire des lotissements de vacances et des usines? Au terme de cette touchante et forte "Demolition Party", la réponse est évidente. Elle a le visage effrayant d'une Gorgone et un goût de bagarre pour le ré-ensauvagement du Monde.
Thierry Sartoretti/ld
La Bâtie Festival de Genève, du 28 août au 13 septembre 2020.