Anne Richard joue dans un huis clos autour de la violence conjugale

Le Havre, à la nuit tombée, une femme se rend seule, avec sa valise, dans un commissariat pour confesser le meurtre de son mari violent, commis il y a plusieurs années. "Je veux être condamnée, car je suis coupable". Pourquoi cette femme que personne ne soupçonnait veut-elle absolument être reconnue coupable ? Et pourquoi cette officier de la Police Judiciaire semble ne pas vouloir prendre sa déposition à seulement quelques heures de la prescription de son crime?

"Coupables", avec Anne Richard, Gaëlle Billaut-Danno et Erwan Orain, est une adaptation du roman "Les lois de la gravité" de Jean Teulé, dont Jean-Paul Lilienfeld a déjà signé l'adaptation cinématographique, "Arrêtez-moi", avec Sophie Marceau et Miou-Miou. Ce huis clos haletant sera joué du 7 au 30 juillet au Festival off d'Avignon, avant de partir en tournée.

Je n'avais pas lu ce livre alors que j'aime énormément Jean Teulé. C'est un des meilleurs écrivains contemporains. Il sait nous plonger dans des époques très différentes, installer une atmosphère, tout en mettant en lumière des faits de société.

L'uniforme lui va bien

Habituée aux rôles en uniforme, Anne Richard passe de l'emploi de juge d'instruction (dix-sept ans de "Boulevard du Palais") à celui de flic. Un rôle qu'elle a documenté sur le terrain pour s'en imprégner jusque dans la gestuelle. "On m'a souvent confié des rôles où le métier et l'uniforme avaient une place importante. J'ai été juge, militaire, marin de compétition. Cela m'enchante car c'est un moyen de découvrir des univers différents. Pour une comédienne, c'est un double engagement: identifier un univers professionnel et un humain", dit l'actrice à la RTS, heureuse de revenir sur les planches, sa première passion pas assez assouvie.

De Jacqueline Sauvage à Valérie Bacot

"Coupables" raconte l'histoire d'une femme qui finit par tuer celui qui n'a cessé de l'humilier et de la battre. Qui est la victime? Qui est le bourreau? Comment combattre la violence faite aux femmes? De quelles armes disposent-elles pour se défendre? Qui doit être jugé? Autant de questions soulevées par cette pièce qui trouve de nombreux échos dans les tribunaux.

On se souvient de Jacqueline Sauvage, graciée en 2016 par François Hollande, et tout récemment de Valérie Bacot, cette femme violée, maltraitée et prostituée par son ex-beau-père devenu son mari. Pour échapper à sa violence quotidienne et sauver ses quatre enfants, elle a tué celui qui lui menait une vie d'enfer.

Après une semaine d'un procès particulièrement éprouvant, elle était condamnée le 26 juin à quatre ans de prison, dont trois d'un sursis probatoire. Elle risquait la perpétuité mais la cour a pris en compte le "syndrome de la femme battue".

>> A écouter, la grâce accordée à Jacqueline Sauvage divise la population :

Citizenside/AFP - Alpha CIT

Proche de son personnage

"Il est temps que la justice ouvre les yeux et reconnaisse à ces femmes un statut de victime. La question de la légitime défense doit aussi être posée", estime Anne Richard qui, sans hésiter, reconnaît qu'elle aurait eu la même attitude que la policière qu'elle interprète dans la pièce.

Même si j'ai joué pendant 17 ans un juge d'instruction, je ne ferais pas entièrement confiance à la justice.

Pourtant, sur ce dossier, il existe quelques avancées, notamment l'apparition du mot "féminicide", meurtre d'une ou plusieurs femmes ou filles pour la seule raison qu'elles sont des femmes. "Oui, c'est vrai, mais cela ne fait pas reculer pour autant les féminicides. Les plaintes ne sont pas assez prises au sérieux. Parfois, ces femmes n'osent même pas porter plainte. Elles sont terrorisées, sous emprise, et craignent qu'une fois libérés, leurs bourreaux reviennent les achever", explique Anne Richard.

Un rôle de sentinelle

La pièce reste d'abord un divertissement avec "beaucoup d'humour", rappelle-t-elle, mais elle s'engage aussi sur un vrai problème de société. Anne Richard, qui estime "avoir été faite pour incarner des personnages de la vie réelle", donne une dimension de sentinelle à son métier de comédienne. "Je pense que les acteurs, les artistes, l'art en général, a aussi la mission d'alerter sur des sujets, de pousser à la réflexion, de faire comprendre des situations complexes".

Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert

Adaptation web: Marie-Claude Martin

_{"Coupables", à découvrir au Festival off d'Avignon du 7 au 30 juillet 2021 (Théâtre du balcon).
Et en tournée de septembre 2021 à Juin 2022.}