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"La collection", inventaire théâtral et drolatique de notre passé

Lea Polhammer, Catherine Büchi et Pierre Mifsud dans "La Collection". [Anouk Schneider]
La Collection / Vertigo / 3 min. / le 28 septembre 2021
Prenez un objet, faites-en un sketch. Vélomoteur ou cassette deviennent une formidable machine à souvenirs et à rire grâce au trio Lea Pohlhammer, Catherine Büchi et Pierre Mifsud. Le spectacle "La collection" se joue au Théâtre Saint-Gervais à Genève, puis en tournée.

Le principe est simple. Il et elles sont trois sur le plateau de théâtre: Pierre Mifsud, Lea Pohlhammer et Catherine Büchi. Pas de décor. Le récit des artistes et l’imagination du public suffisent largement. Conversations, dialogues, saynètes, recréations de situations d’époque, il y a de tout dans "La Collection". On y entend beaucoup de tendresse, de l’humour, de la nostalgie sans doute, heureusement contrebalancée par des piques et de la moquerie. Franchement, ce n’était pas mieux avant. Juste… différent.

Avec le tamis des années qui passent, bien des aspects des décennies du 20e siècle sont ridicules, voire incroyables. Et chacun, chacune a quelque chose à raconter et à partager autour d’un objet aussi stupéfiant qu’un vélomoteur ou un service à asperges.

Pour toutes les générations

"La collection", pièce à sketches, se déguste par épisode ou en intégrale. C’est une superbe prouesse de jeu pensée comme un travail d'archéologue de la mémoire collective. C’est aussi, par sa simplicité et son plaisir du jeu, le chaînon manquant entre le théâtre contemporain et l'esprit des grands humoristes façon Bourvil ou Jacqueline Maillan.

Si vous avez connu et manié les objets racontés dans "La collection", l’effet miroir ou l’identification seront immédiats. Si vous êtes un humain du 21e siècle, vous rirez quand même, tant ces trois comédiennes et comédien sont tout simplement formidables de finesse et de drôleries.

Quatre objets mythiques revisités

Le téléviseur à tube cathodique

Soirée télé entre amis. On regarde, on zappe et chacun, chacune y va de son commentaire et de sa digression plus ou moins érudite en matière de culture télévisuelle. Séries, jeux, émissions de débat, tout y passe. "Tu te souviens de… ", "Comment il s’appelait déjà, ce type… Celui avec la moustache et les shorts?", "Tu savais que Kevin avait eu un cancer dans la saison 3, juste après son bébé avec Brooke?"

Ah, ce plaisir de l'inventaire à la Prévert et de la liste de souvenirs à la Perec. Quand bien même on ne les aurait pas vues, les évocations de toutes ces émissions – au titre parfois farfelu – donnent des dialogues proches de l’humour surréaliste.

Le vélomoteur

Simple. A l'époque, le Monde se divisait en deux. Soit t’en avais un, soit t’en avais pas. Et tout se jouait devant la discothèque de L'éclipse. Un salut, un vrombissement de moteur, le droit de monter sur le porte-bagages. Bon, dans les montées, ce n’était pas à 30 km/h qu’on roulait, plutôt à 15 km/h, en appuyant sur les pédales. A moins bien sûr de maquiller l’engin... En quelques dialogues, c’est tout le monde de la drague des années 1970 et 1980 qui resurgit. Car oui, le boguet et la drague, c’était comme le jeans et les Adidas Rome: indissociables.

Le service à asperges

"Mon Dieu ce que c’est beau! Et si bien assorti en plus. Je peux les toucher?" Un repas entre amis et cette recherche du bon goût absolu avec ce service à asperges – ou cette improbable statue de chien (un lévrier afghan) – acheté sans doute une fortune à la Placette, "le magasin des idées neuves". A table, ça discute peine de mort et ça se fâche au moment des digestifs. En la matière, l’espèce humaine ne semble pas avoir fait de progrès particuliers.

La cassette

Copiée et recopiée du copain qui en avait une qui l’avait d’un copain qui avait enregistré l’émission de radio. Au bout d’un certain nombre d’écoutes, fatalement, la bande s’enroulait à l'intérieur du lecteur et se transformait en pelote de ruban magnétique. Et puis le baladeur est arrivé. En Suisse, pays du bon français, on disait "walkman".

Le téléphone à cadran

Avant que le portable n’apparaisse avec son écran chiffré, il était possible de recevoir à domicile l’appel d’un inconnu. Le téléphone sonnait quelque part au fond de la maison et, dans le combiné, cette respiration lente et inquiétante. D’où venait ce mystérieux appel? De la cabine téléphonique du coin de la rue? D’un appartement de l’immeuble d’en face? D’un sadique prêt à sonner à la porte maintenant qu’il avait compris que l’on était seul-e dans l’appartement? Angoisse garantie…

Thierry Sartoretti/mcm

"La collection", un spectacle à découvrir à Genève, Saint-Gervais, jusqu’au 3 octobre, puis à Bienne, Nebia, du 26 au 31 octobre; Nyon, Usine à gaz, les 2 et 3 décembre.

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